La Lanterne de Diogène

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Ce texte est paru dans la revue Pédagogie collégiale, du mois de mars 2002

Vivement la philosophie!

Les cours de philosophie doivent être dynamiques, entraînants, enlevants, envoûtants, en un mot : étonnants. Toute la pertinence des cours de philosophie au cégep réside dans la capacité des professeurs à éveiller les esprits endormis et à propulser plus loin les élèves déjà allumés par la flamme de la réflexion. En ce domaine, il n'y a pas de matière sacrée à transmettre. Seulement une ouverture d'esprit à créer envers la pensée et le monde des idées, pour paraphraser Platon.

Afin de réaliser ce prodige d'intéresser des jeunes de 16 à 19 ans à la réflexion, en ces temps difficiles pour la lenteur des pensées profondes, mieux vaut s'armer de compréhension et d'outils pédagogiques adéquats.

Comprendre les élèves pour qu'ils comprennent

Les élèves d'aujourd'hui sont les produits du monde contemporain. Leurs connaissances, leurs besoins, leurs intérêts, leurs capacités, leurs méthodes de travail, leurs façons de parler et d'écrire, leur bagage culturel, leurs idées sont les reflets changeants du monde dans lequel ils ont grandi. Leur inculquer des connaissances abstraites à partir de conceptions oiseuses de normes à atteindre définies en hauts lieux représente la meilleure façon de s'isoler dans une tour d'ivoire et d'enseigner dans le vide sidéral incarné par des visages hagards de jeunes livides.

Pour le dire en termes moins poétiques : il ne s'agit pas de tirer les élèves vers le summum de la pensée en s'appuyant sur la vertu intrinsèque de la philosophie, mais d'enseigner à penser par soi-même à partir du bagage culturel et scolaire des élèves qui terminent le secondaire. Faire le contraire, comme certains le tentent en idéalisant la discipline, la matière, le contenu, les devis, les objectifs à atteindre, avant même de prendre contact avec leurs élèves, conduit à monologuer en classe. Malheureusement pour la profession, certains professeurs aiment s'entendre parler…

Quand on prend en considération les besoins et les capacités des jeunes, on parvient sans peine et même avec beaucoup de plaisir à susciter la réflexion. À partir de ce point initial simple qui consiste à amener les élèves à s'interroger sur leurs croyances et leurs habitudes, le professeur de philosophie peut conduire une classe aussi loin que les élèves le peuvent. Et ils peuvent aller souvent plus loin qu'on le suppose dans le milieu de l'éducation.

Pour ne pas se créer d'embûches, d'obstacles insurmontables à franchir, de montagnes à gravir, de difficultés de parcours, de pièges à éviter, de déminage de terrain (je ne sais plus quelle image ajouter…), le professeur de philosophie doit être vierge de tout idéal à atteindre de façon absolue. En début de session, il y a bien sûr un minimum de matière à voir. Mais même ce minimum doit être défini et redéfini par les capacités de compréhension et les besoins que les élèves manifestent au premier contact.

L'art de l'enseignant consiste justement à prendre en considération les différents facteurs en jeu dans l'acte pédagogique, à savoir : une matière à enseigner à un groupe de jeunes en situation d'apprentissage qui possèdent des capacités de concentration et de travail données.

Au départ, la philosophie possède le privilège et l'inconvénient d'être inusitée pour la plupart des élèves. D'un côté, il y a l'attrait de l'inconnu manifesté par certains jeunes et l'attirance pour ce qui est discrédité par la majorité, de l'autre, il y a la répulsion créée par les préjugés et le désintérêt engendré par le conformisme du je-m'en-foutisme ambiant.

Stratégies pédagogiques multiples

Afin de s'appuyer sur les possibilités immenses de cette discipline hors normes et de ne pas sombrer dans les limbes du rejet facile devant l'effort, le professeur de philosophie devra user de stratégies pédagogiques variées et efficaces. Il ne faut surtout pas qu'il donne appui à la rumeur publique qui laisse entendre que la philosophie est déconnectée de la vie contemporaine, qu'il s'agit d'une matière morte, comme on disait naguère une langue morte.

Pour être vivant, l'enseignement de la philosophie doit s'ancrer dans l'actualité, les problèmes contemporains, les débats d'aujourd'hui avec des outils pédagogiques qui touchent les jeunes. Mieux vaut partir du vécu (même si ce terme possède une connotation péjorative maintenant) des élèves pour aller vers des considérations plus générales que de partir carrément dans le ciel étoilé des conceptions philosophiques que presque personne n'entend.

Une fois ce parti pris établi, le professeur de philosophie peut s'appliquer à animer ses classes et à orienter les élèves vers des objectifs plus ambitieux. Les jeux, les jeux questionnaires, les jeux de rôles, les joutes verbales, les lectures de manifestes, les créations de sketches et de courtes pièces, les casse-tête, les énigmes, les illusions d'optiques, les concours, les débats, les dialogues, les défis, les présentations de films et de documentaires percutants, etc. sont autant de moyens de créer la surprise et de susciter l'intérêt en classe.

Par exemple, deux équipes d'élèves peuvent s'affronter dans un jeu questionnaire s'inspirant de la Guerre des clans où les questions portent sur les sophismes. Le professeur lit des phrases tirées de l'actualité et les élèves doivent identifier les types de sophismes le plus rapidement possible. L'équipe gagnante est celle qui a pu reconnaître le plus de sophismes. On peut former autant d'équipes que l'on veut pour les adapter à la taille des classes.

Autre exemple, on peut faire incarner des philosophes anciens par les élèves qui discutent de sujets de l'actualité. Les autres élèves de la classe doivent identifier les personnages joués par ces élèves à partir de leurs répliques, de leurs attitudes et de leurs positions sur ces sujets contemporains.

Bref, plus les méthodes pédagogiques sont variées, plus les élèves sont attentifs et aux aguets en se demandant à chaque semaine ce qui les attend. Tout ce cirque, diront les mauvaises langues, contribue à créer une ambiance dynamique et une camaraderie où l'émulation par les pairs joue un rôle central en classe. L'effort au travail ne se fait plus dans la douleur seulement, mais dans un cadre gratifiant où le plaisir est présent et stimulant.

Le plus merveilleux dans cette façon de concevoir l'enseignement de la philosophie, c'est que non seulement les élèves ont du plaisir à apprendre, mais le professeur obtient en boni la joie dans l'enseignement et la gratification de voir ses élèves réussir en plus grand nombre.

Note biographique : Guy Ferland a obtenu une maîtrise en philosophie à l'Université de Montréal et une maîtrise en Littérature à l'UQAM. Il a d'abord été journaliste au Devoir plusieurs années avant de se consacrer à l'enseignement de la philosophie et de la littérature au cégep Lionel-Groulx où il siège sur la Commission des études depuis quelques années. Il est concepteur d'un site Internet sur l'enseignement de la philosophie intitulé Philolittérement et il collabore à titre de chroniqueur littéraire à la création du site Internet canadien de la compagnie Amazone.

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