La Lanterne de Diogène

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Ce texte a été publié dans La Presse du dimanche 10 octobre 2004 à titre de la lettre de la semaine

Défouloir collectif!

Guy Ferland

Depuis plus de 15 ans, j'observe la façon de conduire de mes concitoyens et je ne peux m'empêcher de penser qu'elle traduit assez fidèlement le comportement des conducteurs dans leur vie personnelle.

Et si respecter les règles de la conduite automobile, les codes de la route et les autres automobilistes qui partagent une même voie publique révèlent les capacités des chauffeurs à respecter les lois dans la vie quotidienne, les codes de la politesse et les autres qui font partie de leur vie sociale, nous sommes dans un cul-de-sac… 

Par illustrer ce constat simple, voici un petit palmarès personnel des violations au code de la route les plus communément observables qui traduisent peut-être des aspects de la personnalité profonde des Québécois.

Premièrement, la limite de vitesse! Qui respecte encore ces indications saugrenues du maximum de 100 km/h sur les autoroutes? Presque personne. C'est devenu une blague. Seuls les mononcles, les peureux et les vieux observent cette loi affichée à la grandeur de la province. Pour presque tout le monde, il s'agit d'un minimum.

On dirait que tous les citoyens voudraient transgresser au moins une loi dans leur vie sans se faire punir nécessairement. Et les limites de vitesse servent justement de défouloir collectif, car on sait d'avance qu'on ne se fera pas prendre en flagrant délit, pour peu qu'on prenne garde aux autos de police. Comme disait un juge célèbre à propos des lois : les limites de vitesse sont là pour être transgresser, tant qu'on ne se fait pas arrêter!

Deuxièmement, pour la majorité des conducteurs, les clignotants semblent une option d'urgence à utiliser seulement quand on veut changer de voie subitement en coupant le chemin de celui qui conserve la sienne. Les clignotants indiquent alors clairement aux autres conducteurs que celui qui les a miraculeusement utilisés va entreprendre une manœuvre dangereuse. Tant pis pour l'imprudent!

Est-ce que, dans la vie quotidienne, on communique mieux? Est-ce que, dans la vie professionnelle et familiale, on se soucie de ceux qu'on écarte de la route? Tasse-toi mononcle, disait si bien une publicité… Tant pis pour les autres, si on peut accéder aux premières places!

Troisièmement, comment garder ses distances et éviter les accrochages multiples quand on colle les autres aux fesses? Comme Charlebois le chantait si bien, ici au Québec tout commence par un Q et finit par un bec. Sauf que, à force de vouloir frotter l'arrière-train des voitures qui précèdent, tout commence par un Q sur les routes du Québec pour finir par une collision assurée.

Quatrièmement, suivre une voie unique, sans dépasser et zigzaguer, cela semble au-dessus des forces de tout un chacun. C'est comme si les autres automobilistes représentaient des obstacles à franchir sur la route. Il faut absolument déjouer les adversaires de la voie publique!

Seraient-ce les montées à l'emporte-pièce de Maurice Richard qui inspirent la conduite automobile des Québécois? Ou est-ce que cela traduit plutôt une impatience généralisée? Un désir profond de changements continuels dans la vie quotidienne? Ou encore une incapacité à trouver sa voie, son orientation dans la vie et à respecter celle des autres?

Je sais bien qu'ailleurs, en France ou en Italie, par exemple, la conduite automobile est aussi approximative et provoque encore plus de catastrophes. Cela ne justifie rien ici.

Mais qu'est-ce qui poussent les citoyens ordinaires à devenir de véritables dangers publics au volant? Serions-nous tous des docteurs Jekyll et Mister Hyde? Les voitures serviraient-elles de révélatrices de la personnalité profonde des conducteurs qui se défoulent au volant de tous les compromis qu'ils doivent faire dans leur vie professionnelle et familiale?

D'ailleurs, faites un test parmi votre entourage. Combien y a-t-il de personnes qui conduisent depuis plus de dix ans quotidiennement et qui n'ont jamais eu d'accrochages ou de contraventions? Le résultat devrait vous indiquer assez clairement le nombre de personnes de votre entourage qui respectent les lois et les autres, les téméraires… et aussi quelques chanceux…

Ainsi, lorsqu'on se promène sur les routes au Québec, on s'expose à tous les dangers et on ne peut que se demander : à quand des cours de civisme sur les routes, et dans la société en général?