La Lanterne de Diogène

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Ce texte est paru dans La Presse, Forum, samedi 11 novembre 2006, p. PLUS4

Ah! la vie!

De bien beaux discours

On est tous pour la vertu, tant qu'elle n'affecte pas notre façon de vivre

Ferland, Guy

"Tu vas voir, nous autres on est préoccupés par la mondialisation et l'environnement. On ne refera pas les erreurs des baby-boomers. On ne vise pas à un accroissement sans arrêt de notre argent, de nos biens. Pas au détriment de la planète."

Immanquablement, chaque année depuis près de cinq ans, j'ai des élèves de 17 à 19 ans qui viennent me sermonner en classe en répétant le discours presque officiel de la nouvelle génération, celle qui a des préoccupations plus larges que le nationalisme étroit de leurs aînés et qui pense changer le monde de la surconsommation.

Imperturbables dans leurs convictions altermondistes, ils haranguent les plus vieux, ceux qui gaspillent les trésors de la terre.

Pourtant, ils portent des jeans fabriqués dans des usines insalubres dans lesquelles travaillent des enfants asiatiques. Ils arborent leur baladeur numérique constamment, même dans les classes. Ils emportent souvent avec eux leur ordinateur portable et leur cellulaire. Ils se véhiculent déjà en voiture, souvent de vieilles minounes qui consomment une quantité industrielle d'essence et d'huile. Et ils veulent gagner assez d'argent plus tard pour acquérir une maison aussi grande que celle de leurs parents.

La dichotomie entre leur discours et ce qu'ils sont et font confine presque à la schizophrénie. Mais ils ne sont pas les pires, loin de là. À part M. Suzuki et sa famille qui ne remplissent qu'un sac vert d'ordures par mois, il n'y a pas beaucoup de prêcheurs pour la protection de l'environnement qui sont prêts à réduire leur rythme de vie. On s'habitue tôt au luxe, au confort. Ce n'est pas tant qu'on reste indifférents au sort du monde, mais les vieilles habitudes sont tenaces. On grandit dans la richesse, les surplus de biens de toutes sortes, les grands espaces, le bien-être et les facilités.

Pas aisé alors de se restreindre, d'abandonner une partie de son opulence pour la survie de l'espèce. Le discours écologiste reste abstrait quand on vit dans la surabondance. On est prêts pourtant à réaliser quelques sacrifices sans importance, tant que cela n'affectera pas notre niveau de vie.

Par exemple, on est prêts à entamer le recyclage des déchets domestiques, surtout s'il y a des bacs roulants. On peut s'empêcher de laver son entrée de voitures à l'eau, pour économiser une ressource naturelle, si cela paraît bien dans le voisinage. On peut également éteindre les appareils électriques, afin d'économiser plus d'argent. Finalement, on peut utiliser des sacs d'épicerie réutilisables, s'il y a une remise en argent incitative...

Bref, on peut accomplir mille et un petits gestes simples s'ils rapportent un peu d'argent et surtout s'ils ne demandent pas d'efforts et paraissent bien aux yeux de la communauté. Mais restreindre son rythme de vie, diminuer ses dépenses, sa consommation, ses espaces de vie, peu s'en faut.

On est tous pour la vertu, tant qu'elle n'affecte pas notre façon de vivre. Les plus vieilles habitudes sont les plus durables, encore plus que l'environnement. Être tombés dans la potion magique de la profusion marque à jamais nos réflexes. Même si on veut adhérer au mouvement de révolution des masses, on protège son avoir.

Parlez-en aux baby-boomers qui ont fait la révolution dans leur jeunesse au nom de toutes les causes pour mieux s'asseoir et garantir leurs vieux jours par la suite. On veut être dans le vent de l'écologisme, mais en même temps on ne veut pas perdre le confort dans lequel on a grandi et avoir moins que la génération précédente.

Qui pourrait alors blâmer les jeunes d'aujourd'hui de partager deux rêves contradictoires: sauver la planète et continuer de vivre comme leurs aînés? Certainement pas moi.