La Lanterne de Diogène
|
|
Ce texte est paru dans le bulletin syndical du cégep Lionel-Groulx dans la semaine du 22 avril La Zizanie La tâche d'enseignement et les tâches complémentaires L'enjeu principal qui se dessine lors des prochaines négociations des conventions collectives du secteur collégial semble être la charge de travail des enseignants. La lourdeur de la tâche pour les uns, le trop grand nombre de comités et d'activités complémentaires pour les autres et la mauvaise qualité des conditions de travail en général constituent les principales revendications qu'on voit poindre à l'horizon. Ces diverses demandes vont-elles semer la zizanie parmi les enseignants? Le gouvernement se frotte-t-il déjà les mains de contentement en se disant que les forces vives syndicales des professeurs sont en train de se diviser? Dans le secteur collégial, il y a déjà trois centrales syndicales qui présentent des demandes souvent contradictoires au gouvernement. Peut-on ajouter à cette faiblesse de négociation des divisions entre professeurs au sujet des conditions de travail? En effet, comment compte-t-on mesurer la lourdeur de la tâche des professeurs de façon équitable quand le travail n'est pas le même? Peut-on comparer l'enseignement de la musique, de l'informatique, du français, des mathématiques et des arts plastiques? Sur quelle base de comparaison établirait-on ces calculs? Le nombre d'élèves? Le nombre d'heures de cours? Le temps de préparation des cours? Le temps de correction des travaux? Le temps de supervision de stage? Le temps d'encadrement des élèves? La concentration et le stress demandés lorsqu'on donne des cours magistraux à un grand groupe? Le nombre de préparations par session? Le perfectionnement continuel dans certaines disciplines? Etc. Il y a des professeurs qui enseignent à une trentaine d'élèves par session, d'autres à 90, d'autres encore à 120, finalement, certains donnent des cours à plus de 150 élèves. Font-ils le même travail? Le même métier? Certains ne corrigent jamais de travaux écrits, d'autres en corrigent toutes les semaines. Comment comparer l'incomparable? Le faut-il d'ailleurs? Peut-on se fier à des études externes qui vont tenter ce tour de force de comparer l'incomparable pour dresser les professeurs les uns contre les autres? À qui va-t-on alourdir la tâche pour alléger celle de certains professeurs? Cette requête de calcul ne sert-elle qu'à se donner bonne conscience dans la demande d'alléger le travail, en espérant qu'elle fournisse également des munitions quantitatives pour la négociation? Toute cette armada d'études, même et surtout si elle est favorable aux professeurs, prêtera flanc à la critique, à la discussion et à la réfutation par d'autres études externes de la part d'instances plus neutres aux yeux du public. N'est-on pas en train de s'enfoncer dans un puits sans fond? Pour les professeurs du collégial, la boîte de Pandore semblait être le calcul de la charge individuelle de travail, la fameuse CI; une norme qui permettait de calculer tous les facteurs d'une charge de travail. Cela a satisfait les enseignants pendant de nombreuses années. Quels sont les changements dans les conditions de travail des professeurs du collégial pour que ce point de ralliement devienne une pierre d'achoppement? Honnêtement, peut-on mesurer la tâche de l'enseignant aujourd'hui au collégial? Quelles tâches périphériques détériorent le travail d'enseignement? Quelles sont les nouvelles clauses de la convention collective qui surchargent les professeurs? Et, surtout, à partir de l'expérience des enseignants, peut-on pointer du doigt ce qui alourdit incontestablement le travail? On sait qu'en français, par exemple, le nombre de corrections des dissertations et le temps de correction de ces dissertations ont considérablement augmenté depuis la réforme du collégial. Il y a là un problème à régler de façon urgente, pas sur le dos des autres professeurs d'autres disciplines, mais auprès du gouvernement afin qu'il injecte de nouvelles ressources et reconnaissent les moyens de la réussite dans cette discipline où il a alourdi la tâche impunément. Il en va ainsi de toutes les nouvelles charges qui incombent aux professeurs. En augmentant le nombre d'élèves dans les classes, a-t-on diminué d'autant les autres aspects de la tâche d'enseignement? A-t-on augmenté le nombre de réunions de département, de programme, de comité de cours, d'évaluation, etc., tout en diminuant le nombre de cours à donner? L'approche par programme a-t-elle généré des ressources accrues pour la mener à bien? Les contrats de réussite s'accompagnent-ils de services supplémentaires pour faciliter la tâche de l'enseignement? L'augmentation de la CI moyenne des enseignants au maximum de 44 par session favorise-t-elle la réussite des élèves? L'encadrement accru des élèves se fait-il sur le dos des professeurs? Le ras-le-bol des enseignants ne provient-il pas de ces facteurs qui contribuent non seulement à l'alourdissement de la tâche, mais également à la parcellisation des professeurs qui ne sont plus capables de former un groupe uni parce que trop submergés par les diverses responsabilités et les tâches de l'enseignement? Comme preuve, on n'a qu'à penser à la faible participation des professeurs aux assemblées syndicales et aux activités organisées pour eux. Ce n'est pas de la mauvaise volonté de leur part, mais l'expression d'un manque de temps et d'engagement dû à la dégénérescence des conditions de travail. C'est comme si, depuis plusieurs années, le travail des professeurs n'était pas reconnu, voire méprisé, et qu'on pouvait y ajouter sans aucune gène des responsabilités et des tâches complémentaires sans contreparties. Il n'y a pas à avoir honte d'exiger le respect pour le devoir accompli. Tout ce qui déborde du cadre strict de l'enseignement devrait être pris en compte dans la charge de travail et le calcul de la CI. Cela pourrait être, par exemple, un point de départ des négociations à venir. Comme disait un penseur d'un autre temps : professeurs de toutes les disciplines, unissez-vous! Il est temps d'agir ensemble, pour tous. |