La Lanterne de Diogène

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Ce texte est paru dans le quotidien Le Devoir du vendredi 18 octobre 2002

Comment faire réussir davantage les garçons?

Ferland, Guy

Au delà des statistiques alarmantes sur les difficultés scolaires des garçons, au delà aussi de la stérile et puérile opposition entre les dispositions innées des hommes et des femmes, il y a la réalité des enseignants aux prises avec des classes mixtes. Que faire concrètement devant une trentaine de personnes qui n'ont ni les mêmes goûts ni la même disposition d'esprit lorsqu'on veut faire réussir le plus d'élèves possible tout en tenant compte des différentes manières d'apprendre de chacun?

Retour vers le futur

Certains proposent le retour à l'école non mixte ou à des classes non mixtes dans des écoles mixtes; d'autres, l'enseignement par projet, dit enseignement coopératif. Enfin, certains font valoir le mérite intrinsèque de l'effort élevé au rang de vertu éducative numéro un. Toutes ces avenues ont leurs mérites. Mais elles comportent aussi des lacunes, qu'il serait trop long d'énumérer ici.

Pourtant, une des recommandations du Conseil supérieur de l'éducation dans son fameux rapport Pour une meilleure réussite des garçons et des filles (1999) indiquait une piste de solution plus simple, plus intéressante et plus pratique: en effet, celle-ci entraînait moins de bouleversements des structures d'école. De plus, cette proposition a été expérimentée avec succès lors d'une recherche sur la réussite scolaire des garçons au cégep Beauce-Appalaches. Et les résultats de cette expérimentation rejoignent exactement les constatations de ma propre pratique d'enseignant depuis onze ans, tant en littérature qu'en philosophie.

La diversité des styles cognitifs

Pour mieux faire réussir les garçons à l'école, il faut que plus d'élèves réussissent, gars et filles. N'oublions pas qu'il y a des garçons qui fonctionnent bien dans le système actuel et qu'il y a des filles qui éprouvent des difficultés, même si, selon les statistiques, ces deux groupes représentent des minorités.

Comment alors réaliser ce tour de force de motiver le plus d'élèves à apprendre? Simple, en apparence: tenir compte dans son enseignement de la diversité des styles cognitifs des élèves, c'est-à-dire tenir compte de leur personnalité distincte, de leurs aptitudes différentes, de leurs façons variées de réagir, de leur divers rythmes d'apprentissage, de leurs capacités multiples, de leurs humeurs changeantes, de leur estime de soi variable, de leur sexe différent, etc. Tout cela sans oublier l'importance centrale du professeur (et de son sexe) dans la transmission des connaissances et du goût de savoir.

Il faut que ça bouge!

Pour les professeurs d'aujourd'hui, la concurrence est forte du côté du divertissement et des biens de consommation. Comment obtenir l'attention d'élèves qui zappent continuellement entre les chaînes de télévision et de radio, les disques compacts gravés, les vidéoclips, les films sur vidéocassette, les jeux vidéo, les jeux à l'ordinateur, les séances de clavardage, la pratique de sports, les achats de toutes sortes, les préoccupations sexuelles, les courses automobiles, etc.? Pas facile. Faut-il que le professeur joue le jeu de la concurrence du divertissement et se transforme en clown ou qu'il résiste plutôt à la mode ambiante et se métamorphose en tortionnaire de l'effort? Y a-t-il un juste milieu?

La source de la connaissance est l'étonnement, disait un vieux sage grec. Ce qui pique la curiosité, ce qui frappe l'imagination va capter l'attention et attirer le regard. Ensuite seulement, l'effort permet de poursuivre sur la lancée vers l'objet à connaître. Et pour piquer la curiosité du plus grand nombre d'élèves, pour étonner des jeunes aujourd'hui, il faut les prendre de vitesse, les déstabiliser en variant le plus possible les stratégies pédagogiques.

Tasse-toi, mon oncle!

Cours magistraux, lecture à voix haute, présentation de films percutants, jeux-questionnaires, jeux de société, débats, groupes de discussion, études de cas, dramatisation, jeux de rôles, guerres de sophismes ou de figures stylistiques, tribunaux de la dictée, rédaction de manifestes et de dialogues, concours, course dans les dictionnaires, recherches et projets, exercices de style, de cadavres exquis et d'écriture automatique, exposés théâtralisés, présentation de philosophes ou d'auteurs sous forme de clips, énigmes et illusions d'optique, musique d'ambiance, invités-surprises, humour, questions et réponses, devinettes, etc.: tous les moyens sont bons pour susciter l'intérêt des jeunes d'aujourd'hui.

En variant ainsi les stratégies pédagogiques avec doigté, selon les forces et les faiblesses des élèves et du professeur, on rejoint les sensibilités différentes de la plupart des jeunes, garçons et filles. On est alors surpris de les voir déployer autant d'effort dans des activités multiples par la suite. Ainsi, les élèves faibles réussissent mieux, en l'occurrence les garçons, et les élèves forts augmentent également leur rendement. C'est du moins ce qui ressort de l'étude exploratoire de Rachel Aubé, du cégep Beauce-Appalaches, et de ma propre pratique d'enseignant.

Alors, pourquoi se cantonner, quand on est professeur, dans des méthodes pédagogiques restreintes qui ne favorisent qu'un ou deux styles d'apprentissage? Veut-on d'une école qui sacrifie un grand nombre d'élèves? Pourquoi pas plutôt une école tournée vers l'avenir, qui tienne compte de la variété des façons d'apprendre dans l'enseignement et qui permette à chacun d'exprimer ses diverses capacités et de réussir à sa manière?

Professeur de philosophie au cégep Lionel-Groulx et coauteur de l'étude Projet sur la réussite des garçons - Des interrogations, des solutions, une priorité, publiée dans le rapport Réussir par la direction des études du collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse en novembre 2001.