La Lanterne de Diogène
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Ce texte est paru dans La Presse du samedi 7 octobre 2006 Ah! la vie!Va jouer dehors!De nos jours, les écrans solitaires ont remplacé les écrans solaires... Ferland, Guy Va dans ta chambre! Naguère, cette punition découlait d'une mauvaise action. L'enfant fautif s'en allait tête basse dans sa chambre se morfondre en scrutant le plafond. Aujourd'hui, ce châtiment est devenu une récompense. Le jeune condamné à l'enfermement se trouve choyé de ne pas avoir à sortir de sa cellule, car il peut désormais jouer en paix sur son ordinateur, clavarder avec des copains et explorer le monde sur Internet sans que personne ne vienne le déranger. En fait, il n'y a pas si longtemps, quand un enfant cloîtré dans sa chambre recevait enfin la permission de sortir et d'aller jouer avec ses amis à l'extérieur, il bénissait le ciel! Maintenant, quand on recommande aux jeunes de sortir, cela ressemble à une pénitence terrible. " Qu'allons-nous faire dehors? " demandent-ils, l'œil hagard. " Allez jouer au ballon, lancez-vous la balle, baignez-vous, jouez au football, au soccer, etc. " Toutes ces activités de plein air les dégoûtent. En se lançant la balle pendant une heure, ils ne parlent que de leurs jeux vidéo, des différentes versions pour les différentes plates-formes, des jeux à venir, de leurs exploits virtuels et de ce qu'ils feront une fois que la peine de jouer à l'extérieur sera purgée... Ainsi, les journées de pluie apparaissent dorénavant comme des oasis de beau temps. Enfin, les enfants peuvent jouer toute la journée à des jeux vidéo et regarder des films sans la menace terrible de devoir sortir pour faire plaisir à leurs parents. Un défi pour les parents La fascination des jeux vidéo est telle aujourd'hui qu'elle représente un des principaux défis de l'éducation pour les parents. Comment juguler l'irrépressible besoin des jeunes de se cantonner devant leur écran du matin jusqu'au soir? En se levant, avant même de déjeuner, la plupart des ados se plongent dans leurs jeux et ne veulent plus en sortir. Il faut les presser constamment de sortir ou de faire autre chose, comme manger pour survivre. On peut bien contrôler les heures de jeu, offrir d'autres sortes d'activités, rien n'y fait. Une fois avec des amis ou à l'école, la majorité des discussions tournent autour des jeux vidéo, surtout chez les garçons. Les enfants qui ne sont pas laissés à eux-mêmes devant leurs écrans se trouvent ainsi dépourvus de sujets de conversation au point de perdre le contact avec les autres. S'ils ne connaissent pas les jeux à la mode, ils sont souvent rejetés ou relégués à écouter les autres parler comme des savants. Alors ils veulent être à la page, faire partie de la gang et pouvoir partager des connaissances ludiques. Et les parents qui contrôlent le temps à passer sur les ordinateurs ou les consoles de jeux vidéo sont rapidement perçus comme des empêcheurs de tourner en rond. Les jeunes veulent les éviter comme la peste et vont chez les amis où il n'y a pas d'adultes pour surveiller les heures passées à jouer sur des écrans ou à regarder des films. Même par beau temps. Hors de l'aura des écrans, point de salut. C'est la nouvelle lumière céleste qui fait ombrage au bon vieux soleil. De toute façon, celui-ci est devenu une menace pour la santé. Les enfants ne cessent de le répéter pour justifier leur propension au farniente devant leurs écrans solitaires, plutôt que de s'appliquer des crèmes d'écran solaire afin de sortir quand il fait beau. Il n'y a pas à dire, les temps changent et les écrans solitaires ont remplacé les écrans solaires... |