Le
but ultime des sciences
Rappelons
que l’esprit, en tant que phénomène émergent de l’activité du cerveau
(voir «
l'analogie du piano et de la mélodie » - et non en tant
qu’entité surnaturelle !), ne vit pas dans la réalité objective
en soi mais dans sa propre représentation mentale de la réalité
(voir à ce sujet la partie
4). L’esprit confond facilement sa représentation mentale de
la réalité avec la réalité objective en soi et a de la difficulté
à concevoir qu’une autre personne ait une représentation mentale
différente. Toute représentation mentale de la réalité
est nécessairement partielle, partiellement fausse et fragmentée.
La
recherche scientifique, en tant que quête
de la vérité, a pour but de rendre notre représentation
mentale de la réalité : 1) moins partielle, en y ajoutant
de nouvelles connaissances ; 2) moins partiellement fausse, en y
retirant des croyances erronées déjà présentes
; et enfin 3) moins fragmentée en découvrant les relations
cachées entre des faits en apparence sans rapport. Voir aussi
« croyance
ou connaissance ? ».
Le
but ultime des sciences est de construire une représentation
mentale de la réalité qui soit complète, complètement
vraie et complètement unifiée. Cet objectif ambitieux
soulève des questions qui sont malheureusement sans réponse...
Ce but ultime n'est-il qu'une utopie ou a-t-il un rapport quelconque
avec la réalité ? L'humain a-t-il la capacité
d'atteindre ce but ultime ? Si l'humain a cette capacité,
atteindra-t-il effectivement ce but ultime un jour ? Si l'humain
réussit à atteindre ce but ultime un jour, aura-t-il
la capacité de s'en rendre compte ? Si ce but ultime correspond
à une véritable possibilité et non pas à
une chimère dépourvue de tout rapport avec la réalité,
où les sciences sont-elles rendues par rapport à l'atteinte
de ce but ultime, depuis leur naissance il y a 400 ans ?
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Les 5 étapes de la démarche scientifique
La
quête scientifique de la vérité sur ce qu'est
la réalité et sur comment celle-ci fonctionne s'effectue
en 5 étapes qui, d'un point de vue logique, se suivent. Toutefois,
dans la pratique, ces 5 étapes (ou quelques unes d'entre
elles) peuvent être mises en oeuvre simultanément dans
un domaine de recherche donné. Chacune de ces 5 étapes
constitue en soi une démarche scientifique valide.
Nous
n'allons donc pas présenter ici la formulation originale,
par Galilée, de la démarche scientifique en 4 étapes.
Nous allons présenter une formulation modernisée de
la démarche scientifique.
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1 :
La collecte et la quantification des faits
Il
nous faut un point de départ pour chercher la vérité sur
ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne.
Puisque la vérité ne nous est pas infuse (postulat
15), ce point de départ doit nécessairement être la découverte,
par des observations et / ou des expériences (effectuées
par les sens ou par des instruments de mesure qui sont une extension
des sens ; postulat
16), des objets et des processus extérieurs à nous qui constituent
la réalité (postulat
18). C’est ce qu’on appelle la « collecte des faits ».
Une
fois que des faits ont été « collectés », leur formulation
doit aller au-delà du seul énoncé qualitatif (comme par exemple :
« les êtres vivants sont constitués de cellules » ; « tous
les objets de l’univers s’attirent par une force nommée gravité »).
Tout fait doit être également quantifié, c’est-à-dire être exprimé
par des nombres ou des équations (postulat
11). Bien entendu, la forme et l’étendue de la quantification
des faits doivent être adaptées aux objets et processus considérés.
Par exemple, la forme « équation » est très appropriée
pour la quantification des phénomènes relevant de la physique, comme
le mouvement des objets ou le fonctionnement de la force de gravité.
En sciences humaines, par ailleurs, ce seront souvent les probabilités
et les statistiques qui seront adéquates pour quantifier les faits.
À
cette étape, il peut également être utile de
classer les faits. On classera, par exemple, les êtres vivants
en fonction de leurs ressemblances et de leurs dissemblances ; on
classera les étoiles en fonction de leurs spectres lumineux
; etc.
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2 :
L’induction ou la création d’hypothèses (1) pertinentes, (2) cohérentes,
(3) quantifiables, (4) vérifiables et (5) expliquant la plus grande
diversité de faits possible en faisant le plus petit nombre de suppositions
possible
La
collecte et la quantification des faits suscitent des questions :
« qu’est-ce… ? » ; « quelle est la cause de… ? »
; « d’où vient… ? » ; « pourquoi… ? » ; « comment…
? » ; etc. Le but de la quête de la vérité sur
ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne
est de répondre à toutes ces questions, donc de rendre compte des
faits, de décrire et d’expliquer leur nature et leur fonctionnement,
de remonter jusqu’à leurs causes ultimes, de découvrir les liens
cachés entre eux, de les comprendre en profondeur.
Mais
les réponses ne tombent pas, toutes prêtes, directement dans les
mains des chercheurs simplement parce que ceux-ci se sont posés
les « bonnes » questions ! D’où viennent donc les réponses
? Exclusivement… de l’imagination humaine. Les chercheurs imaginent,
inventent, créent des réponses à leurs questions. Les réponses ainsi
proposées sont appelées « hypothèses ». Cette démarche
peut surprendre… pourtant, il n’y a aucune autre façon de faire.
Mais
alors, en quoi donc les sciences font-elles mieux que les religions,
les philosophies, ou même les arts pour parler de la réalité ? Il
faut ici bien distinguer l’origine d’une idée de sa justification
ultérieure, qui doit nécessairement reposer sur des faits objectifs
et reproductibles.
La valeur de vérité d’une idée ne dépend aucunement de ses origines
mais entièrement et exclusivement de sa justification ultérieure
(voir les
deux critères de vérité des sciences). Pour ce qui est de la
création d’hypothèses, tout est permis ; c’est au niveau de la justification
ultérieure des hypothèses que les sciences se démarquent véritablement
et complètement des religions, des philosophies ou encore des arts.
Précisons
que toute hypothèse n’est pas acceptable. Pour être acceptable,
une hypothèse doit remplir quatre critères obligatoires. Premièrement,
toute hypothèse doit être pertinente, c’est-à-dire qu’elle doit
être une description ou une explication de faits déjà connus (postulat
18). Une hypothèse lancée en l’air, à partir de rien, est superflue
(obstacle
22) : elle n’est pas ancrée à la réalité. Deuxièmement,
toute hypothèse doit obéir aux principes d’identité
et de non-contradiction
(cohérence interne ; postulat
19 et obstacle
23). Troisièmement, toute hypothèse doit être quantifiable,
c’est-à-dire qu’elle doit pouvoir être reliée, directement ou indirectement,
à des nombres ou à des équations (postulat
20 et obstacle
24). Quatrièmement, toute hypothèse doit prédire l’existence
et le fonctionnement de nouveaux faits encore inconnus, dont l’existence
et le fonctionnement doivent pouvoir être vérifiés par les sens
ou par des instruments de mesure (concordance ; postulats 21
et 22
et obstacle
25). Les prédictions sont effectuées à l’étape 3 de la démarche
scientifique et leur validation à l’étape 4. Toute hypothèse ne
respectant pas ce quatrième critère est dite « irréfutable »
ou « infalsifiable », c’est-à-dire qu’il est absolument
impossible, par quelque moyen que ce soit, de démontrer si elle
est vraie ou si elle est fausse.
Le
principe d’exhaustivité (postulat
25) stipule que, pour décrire ou expliquer des faits collectés
et quantifiés, il faut tenter d’émettre toutes les hypothèses possibles
qui respectent les quatre critères du paragraphe précédent. On dit
que ces hypothèses sont « en concurrence ». À valeur de
vérité égale, l’hypothèse la plus simple, c’est-à-dire celle qui
explique la plus grande diversité de faits en faisant le plus petit
nombre de suppositions, sera toujours privilégiée, en vertu du rasoir
d’Ockham (postulat
26). Le rasoir d’Ockham n’affirme pas qu’une hypothèse doit
nécessairement être simple en elle-même : il affirme plutôt
qu’il faut retenir l’hypothèse la plus simple parmi celles qui rendent
compte correctement des faits connus. L’hypothèse retenue peut donc
être parfois très complexe, comme c’est le cas avec la mécanique
quantique, la théorie de la relativité restreinte, la génétique,
la chimie des êtres vivants, etc.
Formuler
des hypothèses signifie donc chercher les lois qui régissent des
faits connus mais encore inexpliqués. Cela signifie spéculer sur
ce que sont les objets et les processus qui se cachent derrière
les faits. Cela signifie établir des relations de cause à effet
ou de corrélation entre des faits connus et, au besoin, d’autres
faits hypothétiques dont l’existence restera à démontrer. Cela signifie
chercher les liens cachés derrière des faits en apparence
sans rapport. Cela signifie induire, à partir de quelques faits
particuliers, des lois générales qui se veulent éternelles et immuables
et dont la portée se veut universelle (on généralisera plus tard
ces lois s’il s’avérait que leur portée est restreinte à un domaine
particulier du réel ou à l'époque actuelle).
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3 :
La déduction ou l’art de la prédiction par la logique
À
cette étape, il faut approfondir chacune des hypothèses concurrentes,
c’est-à-dire qu’il faut déduire toutes (principe d’exhaustivité
; postulat
25) les conséquences que chacune entraîne logiquement ou nécessairement.
Autrement dit, il faut pousser nos raisonnements jusqu'au bout.
On se posera ici la question « si telle hypothèse est vraie,
alors qu’est-ce qui devrait ou qu’est-ce qui doit nécessairement
également être vrai ? » On veut ici prédire l’existence et
le fonctionnement de faits encore inconnus ; à l’étape 4, on vérifiera,
par les sens ou par des instruments de mesure, si ces faits supposés
existent et fonctionnement effectivement comme le prétendent les
prédictions.
Bien
entendu, si on se rend compte que les conséquences qui découlent
logiquement ou nécessairement d'une hypothèse engendrent
des contradictions, il faudra modifier ou rejeter l'hypothèse
en question (voir l'obstacle
18).
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4 :
La validation des prédictions par des faits reproductibles
Cette
étape constitue en fait une deuxième « collecte et quantification
des faits », qui a pour but de séparer, parmi les hypothèses
concurrentes que la première a suscitées, celles qui sont probablement
ou certainement vraies de celles qui sont probablement ou certainement
fausses. Cette vérification se fait ainsi : à l’étape précédente,
nous avons tiré toutes les conséquences logiques ou nécessaires
de toutes les hypothèses concurrentes. Il s’agit maintenant de concevoir
et d’effectuer des observations et / ou des expériences, par les
sens ou par des instruments de mesure qui sont une extension des
sens, qui nous permettront de constater si la réalité se comporte
ou non comme les prédictions d’une hypothèse donnée le prétendent.
Pour qu’une confirmation ou une réfutation soit valable, il faut
que les faits obtenus soient reproductibles
; sinon le verdict risque d’être accidentel.
Cette
étape est le cœur du critère
de vérité principal des sciences.
À
la lumière de la confirmation ou de la réfutation
des différentes hypothèses, il est parfois approprié
de modifier la classification des faits concernés qui avait
été effectuée à l'étape 1. Par
exemple, de nos jours on ne classifie plus les êtres vivants
d'après leurs ressemblances morphologiques mais d'après
leurs liens de parenté évolutive.
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5 :
La recherche d'unification des théories établies
Il
s’agit, finalement, d’effectuer un ménage dans l’ensemble des théories
retenues pour détecter des conflits possibles et tenter de les résoudre.
La résolution de conflit mène souvent à de nouvelles découvertes
et à de nouvelles théories plus générales qui englobent et dépassent
les théories initiales qui étaient en conflit. Cette étape
constitue la concrétisation du désir de cohérence
externe entre les théories établies.
Voir
le critère
de vérité secondaire des sciences.
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Conclusion
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Copyright
Daniel Fortier 2002. Tous droits réservés.
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