Obstacle
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12 :
L’influence des émotions sur l’interprétation
Une
personne qui a peur des chiens ne percevra pas (subjectivement)
le même chien « objectif » qui se tient devant elle de
la même façon qu’une personne qui adore les chiens. Le sentiment
de peur ou d’affection qui est associé au chien (monstre ou toutou
?) n’est pas une propriété du chien lui-même, mais de la personne
qui le perçoit. Les émotions peuvent nous empêcher d’interpréter
les objets et les processus de la réalité pour ce qu’ils sont réellement.
Un chien n’est pas un monstre agressif qui ne pense qu’à attaquer
les gens, ni un gros toutou poilu qui ne pense qu’à aimer et à être
aimé.
Un
éthologiste qui étudie le comportement des chiens doit donc être
capable de mettre ses émotions de côté, sinon celles-ci risquent
de déformer ses conclusions. S’il a peur des chiens, il risque d’interpréter
tous les comportements observés comme des manifestations plus ou
moins explicites d’agressivité. S’il adore les chiens, il risque
d’interpréter tous les comportements observés comme des manifestations
plus ou moins explicites d’affection ou de joie. S’il n’arrive pas
à faire abstraction de ses émotions parce que celles-ci sont trop
fortes, il devra alors choisir un autre sujet de recherche !
Le
meilleur moyen de contourner cet obstacle est de travailler en groupe.
Les autres nous aideront à détecter l’influence de nos émotions
sur notre jugement, et réciproquement.
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13 :
L’intuition de véracité ou de fausseté
Il
nous arrive de sentir, intuitivement et intensément, que telle idée
doit nécessairement être vraie ou être fausse. Cette impression
n’a aucune valeur en soi : les sentiments et l’intuition ne
sont pas des critères de vérité légitimes. Seuls les
deux critères de vérité des sciences sont légitimes pour juger
de la valeur de vérité des idées, qu’ils soient appliqués tels quel
en sciences ou adaptés et appliqués à la vie quotidienne.
Notons
qu’il faut distinguer le contexte de création des hypothèses du
contexte de leur justification. Les sentiments et l’intuition peuvent
effectivement être de précieux alliés pour créer de nouvelles hypothèses.
Mais une fois les hypothèses mises sur la table, il faut absolument
mettre de côté les sentiments et l’intuition pour juger de leur
valeur de vérité.
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14 :
Les croyances implicites
Nous
avons tous des croyances implicites. Nous ne sommes pas conscients
de l’existence de ces croyances dans notre représentation mentale
de la réalité, ainsi celles-ci influencent notre jugement sans que
nous nous en rendions compte. Cela peut devenir problématique lorsque
vient le temps de juger de la valeur de vérité d’une idée. Le quotidiennocentrisme
est un exemple de croyance implicite (et qui ne l’est plus, bien
sûr, une fois que l’on est devenu conscient de son existence !)
Autre exemple : si je crois implicitement que les espèces évoluent
nécessairement vers des formes « meilleures » et que l’humain
est la forme la plus parfaite à laquelle devait nécessairement aboutir
l’évolution (tout cela est en réalité faux), je n’arriverai pas
à comprendre comment le hasard et la sélection naturelle puissent
à eux seuls rendre compte de l’évolution. Je risque même d’être
incapable de comprendre pourquoi je ne comprend pas cela, puisque
ma croyance est inconsciente. Cette croyance implicite oriente –
ou plutôt désoriente - mon jugement sans que je m’en rende compte.
Je risque de conclure qu’une intention ou une intelligence surnaturelle
doit nécessairement présider l’évolution.
Dans
la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle
fonctionne, il est donc essentiel de chercher à rendre explicites
toutes nos croyances implicites. Le meilleur moyen d’y parvenir
est de travailler en groupe. Les autres nous aideront à reconnaître
nos croyances implicites, et réciproquement.
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15 :
Le désir de croire
Notre
représentation mentale de la réalité est biaisée par le désir de
croire. Nous avons tendance à croire à ce que nous désirons croire
et à ne pas croire à ce que nous désirons ne pas croire, peu importe
la valeur de vérité des idées en question. Par exemple, beaucoup
de gens accordent une certaine crédibilité à l’idée « que nous
sommes visités par des extraterrestres » et très peu de crédibilité
à l’idée « qu’il est impossible de voyager plus vite que la
lumière ». Il faut faire la distinction entre ce qui est effectivement
vrai ou faux et ce que nous désirons croire qui soit vrai ou faux.
Voir aussi à ce sujet « croyance
ou connaissance ? » Le désir de croire est certainement l’un
des plus grands obstacles au jugement éclairé.
Par
exemple, si une personne qui a peur des chiens se trouve seule face
à face avec un chien, elle peut désirer croire que le maître du
chien n’est pas loin et va arriver d’un instant à l’autre. Elle
risque d’attendre longtemps… Ou encore, au mépris des sensations
que ses yeux envoient à son cerveau, elle peut désirer croire que
ce chien est effectivement en laisse et accompagné de son maître.
Cela s’expliquerait logiquement en supposant que le maître et la
laisse sont invisibles ; l’essentiel est d’y croire... Mais sans
aller jusque là, la personne pourrait tellement vouloir se convaincre
que le chien est en laisse et est accompagné de son maître que lorsqu’elle
rentrera chez elle, c’est le souvenir qu’elle conservera effectivement
de cette rencontre. Elle pourrait même, avec le temps, en devenir
absolument certaine à force de se remémorer ce souvenir fictif.
Mais peu importe ce que la personne désire croire, cela n’a absolument
aucun impact sur les faits objectifs. La personne a la choix entre
accepter la réalité objective telle qu’elle est et agir en conséquence,
ou vivre dans ses fantaisies... et agir en conséquence.
Ajoutons
que, bien que le désir de croire ne puisse en rien changer la réalité,
il peut nous permettre de changer certains aspects de nous-mêmes.
Ainsi, si une personne qui a peur des chiens se trouve seule face
à face avec un chien, elle peut désirer croire qu’elle n’a pas peur
de ce chien… et réussir ainsi à contrôler, voire à vaincre (avec
le temps) sa peur.
La
motivation première qui engendre la quête de la vérité n’est pas
le désir de croire mais le désir de connaître la réalité telle qu’elle
est. Cela implique qu’il faut être rationnel, c’est-à-dire qu’il
fait juger de la valeur de vérité des idées seulement sur la base
de raisonnements corrects (voir
les deux critères de vérité des sciences). Il faut également
être ouvert d’esprit : il faut être prêt à accepter de rejeter
des idées auxquelles nous désirons croire ; il faut également être
prêt à accepter de nouvelles idées auxquelles nous désirons ne pas
croire. La vérité ne nous est pas infuse !
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16 :
Le conformisme
Nous
sommes influençables. Nous avons tendance à croire à ce que les
autres croient et à ne pas croire à ce que les autres ne croient
pas. Cette attitude permet de renforcer notre sentiment d’appartenance
à un groupe. À l’inverse, croire autre chose que ce que les autres
croient nous met à part ; nous pouvons alors, à raison ou à tort,
nous sentir rejetés. Le conformisme permet également de renforcer
notre estime de soi puisque les autres « confirment la
justesse » de nos croyances en y adhérant eux-mêmes.
Ainsi,
il existe des idées fausses ou très probablement fausses qui sont
très répandues. L’astrologie est partout, même dans des médias respectables.
Il existe, d’autre part, des idées vraies ou très probablement vraies
qui sont peu répandues. Par exemple, peu de gens acceptent le fait
qu’il soit impossible de voyager plus vite que la lumière. L’argument
« tant de gens ne peuvent pas se tromper » n’a aucune
valeur pour la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur
comment elle fonctionne. Tant de gens peuvent effectivement se tromper !
Dans
la quête de cette vérité, il ne faut donc pas avoir peur d’adopter
des idées audacieuses, envers et contre tous… à condition que cela
soit justifié par une argumentation correcte (voir
les deux critères de vérité des sciences) ! Ajoutons que toutes
les idées « populaires » ne sont pas automatiquement fausses
; le conformisme peut effectivement nous faire adopter des idées
vraies. Mais si nous adoptons nos croyances sur la seule base du
conformisme, nous agissons en aveugles et en manchots. Ce n'est
alors que par pur hasard que nous adopterons, parfois, des idées
vraies. Le conformisme n'est pas un critère de vérité.
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17 :
L’identification à ses croyances
Nous
pouvons nous identifier à nos croyances, en particulier à celles
qui sont centrales (voir « croyance
ou connaissance ? ») pour nous. Ce phénomène fait évidemment
obstruction au jugement éclairé de la valeur de vérité de nos croyances
et des croyances des autres. Il faut faire la distinction entre
une critique de ce que nous croyons et une critique de ce que nous
sommes.
Dans
la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle
fonctionne, il faut rester ouvert d’esprit et accepter de réexaminer
nos croyances ainsi que, surtout, les argumentations par lesquelles
nous les justifions, sans en prendre ombrage personnellement. De
même, il ne faut jamais accepter ni réfuter instantanément ou gratuitement
une idée qu’on nous propose : il faut toujours la soumettre
au préalable à un examen critique et juger de la valeur de vérité
de cette idée par une argumentation correcte. Voir les
deux critères de vérité des sciences.
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18 :
Le besoin de cohérence
Nous
éprouvons tous le besoin d’avoir une représentation mentale de la
réalité qui ne comporte pas de contradictions internes. Pour ce
qui est de la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur
comment elle fonctionne, le besoin de cohérence est une arme à double
tranchant : il peut jouer autant pour nous que contre nous.
Le
besoin de cohérence peut être un véritable obstacle au jugement
éclairé lorsque nous entretenons des croyances, implicites ou explicites,
qui sont erronées mais que nous ne remettons pas en question. Ou
encore lorsque nous ne poussons pas nos raisonnements jusqu’au bout.
Par exemple, si je crois que Dieu a créé l’univers il y a 6000 ans,
selon la chronologie biblique, je devrai également croire que la
datation radioactive des roches, qui révèle que la Terre a un âge
qui se chiffre en milliards d’années, est erronée. Par conséquent,
je devrai aussi croire que la physique nucléaire, qui explique la
datation radioactive, est erronée. Or, c’est la même physique nucléaire
qui explique – correctement - le fonctionnement des centrales nucléaires
et des bombes nucléaires. Comment une théorie peut-elle être erronée
et juste en même temps, dans un même domaine (celui de la désintégration
des noyaux atomiques, dans ce cas-ci) ? D’une part, si je ne doute
pas de mon idée initiale (Dieu a créé l’univers il y a 6000 ans),
je devrai, pour être cohérent, rejeter une autre idée qui est prouvée
par des faits objectifs (la physique nucléaire). D’autre part, si
je ne pousse pas mon raisonnement jusqu’au bout, je ne pourrai pas
me rendre compte de l’existence de la contradiction que celui-ci
engendre nécessairement !
Par
ailleurs, le besoin de cohérence peut être utilisé comme un outil
efficace pour faire le ménage de sa représentation mentale de la
réalité, à condition de partir de croyances qui soient jugées « très
probablement vraies » ou « vraies avec certitude »
(par les
deux critères de vérité des sciences, que ceux-ci soient adaptés
et appliqués à la vie quotidienne ou qu’ils soient appliqués tels
quel en sciences), et encore à condition de pousser nos raisonnements
jusqu’au bout pour s’assurer qu’ils n’engendrent aucune contradiction.
Bien entendu, nos raisonnements doivent en plus être valides, c’est-à-dire
respecter les deux principes de la logique
et les deux
critères du raisonnement. La quête de la vérité sur ce qu’est
la réalité et sur comment elle fonctionne n’est pas une démarche
facile ni rapide ! Ainsi, je pourrais refaire le raisonnement précédent
à l’envers : puisque la physique nucléaire explique correctement
le fonctionnement des centrales nucléaires et des bombes nucléaires,
elle est juste. Or, la datation radioactive des roches relève de
son domaine de validité. Donc la datation radioactive des roches
doit également être juste. Par conséquent, l’hypothèse selon laquelle
Dieu a créé l’univers il y a 6000 ans doit être fausse, car elle
entre en conflit avec les résultats de la datation radioactive des
roches. Précisons, pour aller jusqu'au bout de ce raisonnement,
que celui-ci réfute seulement la chronologie biblique selon
laquelle l'univers a 6000 ans, et non l'idée que l'univers
ait été créé par une divinité.
Puisque
personne n’est à l’abri de l’erreur, il est humainement normal d’entretenir
des croyances incompatibles. Toute représentation mentale de la
réalité est nécessairement partielle, partiellement fausse et fragmentée.
Lorsque nous découvrons une contradiction interne dans notre représentation
mentale de la réalité, il ne faut pas se précipiter à la résoudre
sous l’influence de notre besoin de cohérence : on risque alors
autant de rejeter l’idée juste que l’idée erronée ! Il faut procéder
avec prudence et scepticisme. C’est d’ailleurs ainsi que l’on procède
en sciences lorsque l’on réalise que deux théories se contredisent.
Enfin,
il arrive que le
désir de croire soit plus fort que le besoin de cohérence ;
dans ce cas, nous pouvons entretenir obstinément des croyances contradictoires
– sans chercher à résoudre le conflit - même si d’autres nous le
font réaliser ou même si nous en sommes nous-mêmes conscients. Par
exemple, je peux croire qu’Einstein, en tant que père des deux théories
de la relativité (restreinte et générale), est l’un des plus grands
génies de la physique… et en même temps croire qu’il se trompait
lorsqu’il affirmait qu’il est impossible d’aller plus vite que la
lumière (cette affirmation découlant nécessairement
de la relativité restreinte) !
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COHÉRENCE
INTERNE ET COHÉRENCE EXTERNE
Précisons
qu’il existe deux types de cohérence, que nous nommerons « cohérence
interne » et « cohérence externe ». La cohérence
interne d’une théorie est le fait qu’elle ne se contredise pas elle-même.
La cohérence externe d’une théorie est le fait qu’elle n’entre pas
en contradiction avec une autre théorie. Pour ce qui est de la quête
de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne,
la cohérence interne des idées est rigoureusement obligatoire, mais
non la cohérence externe. On ne peut pas accepter qu’une idée se
contredise elle-même (voir le
principe de non-contradiction), mais on peut accepter que deux
idées distinctes se contredisent l’une l’autre (voir les
deux critères de vérité des sciences).
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19 :
Le besoin de concordance
Nous
éprouvons tous le besoin que nos croyances concordent avec la réalité.
Nous avons besoin d’ancrer notre représentation mentale à la réalité ;
nous ne pouvons pas délibérément accepter de vivre dans une représentation
mentale fictive.
Le
fait qu’une théorie soit parfaitement cohérente (c’est-à-dire qu’elle
ne se contredise pas elle-même : cohérence
interne) n’entraîne pas nécessairement qu’elle soit également
concordante, c’est-à-dire qu’elle soit en accord avec les faits.
L’astrologie, par exemple, est une théorie cohérente (même
s'il arrive que les astrologues se contredisent dans leurs prédictions)
mais non concordante. La cohérence interne est un critère de vérité
nécessaire mais non suffisant ; pour être jugée vraie, une théorie
doit, en plus d’être cohérente, être concordante (voir les
deux critères de vérité des sciences). Pour ce qui est de la
quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle
fonctionne, le besoin de concordance est une arme à double tranchant :
il peut jouer autant pour nous que contre nous.
Le
besoin de concordance peut devenir un véritable obstacle au jugement
éclairé si nous nous heurtons, au départ, à un ou plusieurs autre(s)
obstacle(s) au jugement éclairé. Par exemple, quelqu’un qui, a priori,
désire croire (obstacle
15) que l’astrologie est vraie – plutôt que de désirer SAVOIR
si l’astrologie est vraie – risque de retenir sélectivement (obstacle
3) les quelques prédictions qu’on lui a faites qui se sont effectivement
réalisées et d’oublier les autres. En outre, cette personne ne cherchera
probablement pas à vérifier si ces confirmations de prédictions
astrologiques sont effectivement valides (voir les autoverdicts
– obstacle
29 – et les verdicts accidentels – obstacle
30), ou encore si elles peuvent être expliquées autrement que
par l’astrologie. Le besoin de concordance viendra alors, a posteriori,
renforcer la croyance de la personne en l’astrologie puisque les
perceptions (biaisées) qui auront été mises en mémoire concorderont
effectivement avec les prédictions astrologiques.
Par
ailleurs, le besoin de concordance peut devenir le meilleur critère
de vérité qu’il soit humainement possible de se donner… à condition
d’éviter les obstacles au jugement éclairé ! Le besoin de concordance
est d’ailleurs le cœur battant de la démarche scientifique :
le critère
de vérité ultime d’une idée doit toujours être sa concordance
avec les faits. Dans le cas de l’astrologie, si on évite l’obstacle
de la sélectivité, on constate que seulement une minorité de prédictions
se réalisent effectivement. De plus, ces quelques soi-disant succès
sont parfois attribuables à autre chose qu’à l’astrologie (autoverdicts,
verdicts accidentels), ou encore sont des succès qui étaient dès
le départ inévitables en raison de la nature même des prédictions.
Si l’on vous prédit, par exemple, que vous vivrez une épreuve
ou encore que vous connaîtrez une grande joie, il y a toujours moyen,
après coup, d’associer des événements effectivement vécus à de telles
prédictions ! Le besoin de concordance nous pousse ici à conclure
que l’astrologie est fausse car elle est non concordante.
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20 :
La paresse intellectuelle
Il
peut nous arriver de conclure hâtivement qu’une idée est vraie ou
fausse seulement parce que celle-ci nous paraît trop compliquée
ou encore que sa justification paraît trop élaborée. Cette attitude
est un obstacle à éviter à tout prix : elle est le témoin d’une
certaine paresse intellectuelle, et non un critère de vérité !
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21 :
La malhonnêteté intellectuelle
Nous
pouvons être tentés, consciemment ou inconsciemment, de déformer
les faits ou les arguments qui contredisent nos croyances afin ou
bien de les rendre conformes à nos croyances ou bien de les dépouiller
de leur valeur de vérité ou de leur portée. Nous pouvons encore,
sans aller jusqu’à déformer les faits ou les arguments qui contredisent
nos croyances, diminuer subjectivement leur valeur de vérité ou
leur portée. Enfin, nous pouvons carrément mentir, fabuler ou tergiverser,
consciemment ou inconsciemment, dans le but de soutenir nos croyances.
On
dit d’une personne qui fait montre de malhonnêteté intellectuelle
qu’elle « est de mauvaise foi » ; il ne faut pas confondre
cette attitude avec celle qui consiste à « être de peu de foi »,
c’est-à-dire à être sceptique et prudent dans ses jugements !
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CLASSE
3 : LES OBSTACLES RELATIFS AU RAISONNEMENT
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22 :
Les hypothèses superflues
Une
hypothèse est superflue si elle vise à rendre compte de soi-disant
faits qui ne peuvent pas être perçus, directement ou indirectement,
par les sens ou par des instruments de mesure. Par exemple, supposer
l’existence des anges est non pertinent : cela ne se rapporte
à rien de ce que nous connaissons déjà de la réalité. Cette hypothèse
est lancée en l’air, gratuitement : elle n’est pas ancrée à
la réalité. Elle est entièrement fictive. Si nous construisons
des théories sur la base de l'existence des anges, ces théories
ne pourront elles-mêmes qu'être de pures fictions lancées
en l'air gratuitement.
Une
hypothèse est également superflue lorsqu’elle est inutile pour rendre
compte de faits déjà connus. Par exemple, en éthologie, supposer
que « les animaux ont une âme immortelle » ne nous aide
en rien à mieux comprendre leur comportement.
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23 :
Les hypothèses non conformes à la logique
Les
hypothèses qui ne respectent pas les deux principes de la logique
sont à proscrire. Par exemple, en histoire des sciences, supposer
que « la mécanique quantique réfute la mécanique classique »
entraîne une contradiction :
la mécanique classique serait alors simultanément prouvée vraie
(par les preuves accumulées depuis sa formulation) ET fausse (par
la mécanique quantique) dans son domaine de validité. En réalité,
la mécanique quantique généralise la mécanique classique, c’est-à-dire
qu’elle englobe et dépasse cette dernière. Le domaine de validité
de la mécanique classique n’inclut que les objets macroscopiques,
alors que celui de la mécanique quantique inclut à la fois les objets
macroscopiques et les particules microscopiques. Ainsi, si l’on
applique les équations de la mécanique quantique aux objets macroscopiques,
ces équations deviennent absolument identiques à celles de la mécanique
classique.
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24 :
Les hypothèses non quantifiables
Les
mathématiques sont le langage de la réalité. Ainsi, toute hypothèse
qui ne peut pas, directement ou indirectement, être reliée à des
équations mathématiques doit être rejetée. Cela peut surprendre
puisque des théories bien établies en sciences peuvent paraître
ne pas être quantifiables, comme par exemple la théorie de l’évolution
des espèces. Or, la théorie de l’évolution des espèces est effectivement
quantifiable… par les probabilités et les statistiques. Les probabilités
et les statistiques sont également abondamment utilisées
en sciences humaines.
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25 :
Les hypothèses infalsifiables
Les
hypothèses qui ne permettent pas de prédire, par la logique, l’existence
et le fonctionnement de faits nouveaux qui soient vérifiables, directement
ou indirectement, par les sens ou par des instruments de mesure,
sont dites « infalsifiables » ou « irréfutables ».
Ces hypothèses sont à rejeter car il est impossible de juger de
leur valeur de vérité. En effet, le jugement de la valeur de vérité
d’une hypothèse doit toujours se faire par la confirmation ou la
réfutation des prédictions tirées de cette hypothèse (voir le
critère de vérité principal des sciences). Par exemple, en astronomie,
se contenter de supposer que « Dieu a créé l’univers »
mettrait un terme à la recherche. Cette hypothèse n’entraîne ni
logiquement ni nécessairement aucune prédiction qui puisse être
vérifiée. Par exemple, Dieu pourrait très bien ne pas être intervenu
dans l’univers depuis la création, de sorte que rien qui soit perceptible
par les sens ou par un instrument de mesure, directement ou indirectement,
ne pourrait témoigner de son existence ou de sa non existence.
Il est donc impossible de juger de la valeur de vérité de cette
hypothèse. Si elle est la bonne, on ne le saura jamais. Si elle
est fausse, on ne découvrira jamais la bonne hypothèse puisqu’on
ne fera plus de recherche.
Les
idées infalsifiables
peuvent
devenir un obstacle majeur au jugement éclairé lorsque l’on désire
y croire (obstacle
15). En effet, il devient alors absolument impossible de nous
convaincre que nous pourrions avoir tort par quelque argument que
ce soit... puisque justement, il est impossible de démontrer la
véracité ou la fausseté des idées infalsifiables
!
Une idée
infalsifiable à
laquelle
nous désirons croire risque de s’enraciner pour toujours dans notre
représentation mentale de la réalité, ce qui nous rend alors sujets
à nous heurter à tous les obstacles au jugement éclairé qui sont
causés par la présence d’idées erronées (voir en particulier les
obstacles 3
: sélectivité, 14
: croyances implicites, 17
: identification à ses croyances, 18
: cohérence, 19
: concordance, 21
: malhonnêteté et 29
: autoverdicts).
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LA
CAPACITÉ DES SCIENCES À SE SABORDER
Puisque,
par principe, les sciences rejettent automatiquement toute hypothèse
infalsifiable, les sciences ont toujours la capacité de démontrer
par elles-mêmes qu’elles ont tort lorsque c’est le cas. La grande
crédibilité des sciences repose, en bonne partie, justement sur
le fait qu’elles sont ainsi capables de se saborder.
Lorsqu’une
nouvelle hypothèse est formulée, il se trouve toujours des scientifiques
sceptiques qui tentent par tous les moyens possibles d’en démontrer
la fausseté. Cela n’est pas en soi de la malveillance : le
scepticisme est au cœur même de la démarche scientifique ! Les sceptiques
ne sont pas
de mauvaise foi : ils sont de peu de foi. Beaucoup d’hypothèses
sont d’ailleurs éliminées de la sorte en recherche. Mais lorsqu’une
hypothèse résiste et survit à toutes ces tentatives de sabordage,
il devient évident que sa crédibilité est très grande : cette
hypothèse est « très probablement vraie », voire même
« vraie avec certitude ». La crédibilité des théories
scientifiques serait beaucoup plus faible si les scientifiques se
contentaient de seulement les formuler en tant qu’explications possibles
de faits déjà connus… ou pire encore : si ces théories étaient
infalsifiables !
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26 :
Enfreindre un des 2 principes de la logique en raisonnant
Voir
« partie 3 :
la logique ».
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27 :
Enfreindre un des 2 critères du raisonnement en raisonnant
Voir
« les
2 critères du raisonnement ».
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28 :
Effectuer un appel à l’autorité non valide
Voir
« les
4 règles de validité de l’appel à l’autorité ».
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CLASSE
4 : LES ERREURS DE VERDICT
Dans
notre vie quotidienne, nos croyances engendrent des attentes :
nous nous attendons à percevoir tel phénomène dans tel contexte.
Par exemple, je crois que mon chat ne contrôle pas sa gourmandise.
Ainsi, si j’échappe un morceau de fromage par terre, je m’attends
à ce que mon chat se précipite sur lui. Cette réflexion se transpose
telle quelle aux sciences. En sciences, les hypothèses engendrent
des prédictions : nous nous attendons à percevoir tel objet
ou tel processus lors de telle observation ou de telle expérience.
Par exemple, je crois que les espèces vivantes ont toutes évolué
à partir d’un ancêtre commun. Cette hypothèse (croyance) engendre
une série de prédictions (attentes), dont celle-ci : la chimie
des êtres vivants devrait être semblable, sinon la même, chez toutes
les espèces. De fait, le code génétique et les réactions chimiques
du métabolisme sont les mêmes chez toutes les espèces : moustiques,
anémones de mer, pommes de terre, requins, araignées, humains, érables,
bactéries, champignons, pieuvres, canards, plancton, céréales, lézards,
moisissures, algues, grenouilles, etc.
La
confirmation d’une attente qui découle d’une croyance (dans notre
vie quotidienne) ou d’une prédiction qui découle d’une hypothèse
(en sciences) renforce notre confiance en cette croyance ou en cette
hypothèse. La réfutation d’une attente ou d’une prédiction affaiblit
notre confiance en la croyance ou en l’hypothèse concernée. Dans
notre vie quotidienne, cela constitue – ou devrait constituer –
le critère de vérité principal de nos croyances. En sciences, cela
constitue toujours le
critère de vérité principal des hypothèses.
Mais
pour que la confirmation ou la réfutation d’une attente ou d’une
prédiction soit valable, il faut s’assurer qu’il ne s’agisse pas
d’un autoverdict
ni d’un verdict
accidentel.
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29 :
Les autoverdicts
Il
existe une dialectique nécessaire entre, d’une part, la perception
des faits, et d’autre part, notre représentation mentale de la réalité.
Voir à ce sujet la partie
4. Les faits que nous percevons effectivement et la manière
dont nous les interprétons déterminent quelles sont les croyances qui
sont intégrées à notre représentation mentale de la réalité ainsi
que notre degré d’adhésion à ces croyances. En retour, les croyances
déjà présentes dans notre représentation mentale de la réalité ainsi
que notre degré d’adhésion à ces croyances conditionnent la manière
dont notre cerveau sélectionne, organise et interprète les sensations.
C’est en fonction de ce que nous avons déjà appris que notre cerveau
sélectionne les sensations qu’il juge pertinentes, qu’il peut les
organiser et leur donner une signification. Si nous avons appris
des choses erronées, ces erreurs déformeront nécessairement notre
perception des faits. Nous avons tendance à percevoir ce que nous
nous attendons effectivement à percevoir. Il ne faut pas prendre
pour acquis que l’interprétation spontanée d’un fait est nécessairement
la bonne, même s’il nous semble qu’elle ne peut qu’être la bonne.
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LES
AUTOVERDICTS PERCEPTIFS
Un
autoverdict perceptif consiste à percevoir – parfois à raison, parfois
à tort - ce que nous nous attendions effectivement à percevoir.
Par exemple, si je crois avoir offusqué un ou une collègue de travail
la veille, il se peut que le lendemain matin j’interprète comme
étant un air hostile ce qui, en fait, n’est que l’air de quelqu’un
qui n’est pas encore complètement réveillé…
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LES
AUTOVERDICTS PROVOQUÉS
Un
autoverdict provoqué se produit lorsque le fait que nous nous attendons,
au départ, à ce que certains événements surviennent nous amène,
consciemment ou inconsciemment, à adopter des comportements qui
s’avèrent, finalement, être eux-mêmes la cause de ces événements
qui surviennent effectivement. Si nous n’avions pas eu cette attente
initiale, nous n’aurions pas adopté ces comportements et les événements
en question ne seraient pas survenus. Par exemple, si je commet
l’erreur d’interpréter l’air d’un ou d'une collègue de travail qui
n’est pas encore complètement réveillé(e) comme étant un air hostile
dirigé contre moi, je risque d’adopter durant la journée, à l’égard
de ce ou de cette collègue, des comportements qu’il ou elle trouvera
étranges et qui l’irriteront. À la fin de la journée, ce ou cette
collègue risque d’être réellement en colère contre moi. Mon cerveau
se dira alors « je le savais bien ! »
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CROIRE
POUR COMPRENDRE OU COMPRENDRE POUR CROIRE ?
L’autoverdict
consiste en quelque sorte à croire d’abord pour comprendre ensuite.
Alors que pour chercher la vérité sur ce qu’est la réalité et sur
comment elle fonctionne, il faut comprendre d’abord pour croire
ensuite... bien que toute compréhension ne puisse se faire qu’à
la lumière de croyances déjà existantes ! Il faut donc, autant dans
la vie quotidienne qu’en sciences, demeurer sceptiques et prudents
à l’égard, d’une part, de nos croyances déjà établies et, d’autre
part, de nos perceptions. La quête de la vérité n’est pas une démarche
simple ni évidente !
N’importe
lequel des obstacles au jugement éclairé peut être la cause d’un
autoverdict, que celui-ci soit perceptif ou provoqué. Les idées
infalsifiables
(obstacle
25) sont probablement la pire cause d’autoverdict, puisqu’il
est toujours possible de les rendre compatibles aux faits. Quelqu’un
qui croit déjà, au départ, à l’astrologie trouvera toujours des
faits qui confirment au moins une partie des prédictions astrologiques…
et trouvera toujours « d’excellentes » raisons (qui sont
en général elles-mêmes des idées infalsifiables)
de justifier les échecs de l’astrologie sans la réfuter ! Le désir
de croire (obstacle
15) et le besoin de concordance mal utilisé (obstacle
19) sont également des causes importantes d’autoverdicts.
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30 :
Les verdicts accidentels
Lorsqu’une
attente ou une prédiction, tirée d’une croyance ou d’une hypothèse,
est confirmée ou réfutée par la perception d’un fait, il ne faut
pas pour autant sauter aux conclusions. Il faut rester sceptique
et prudent : il se peut que la confirmation ou la réfutation
soit accidentelle…
Il
faut donc toujours s’assurer, avant toute chose, de la crédibilité
de la perception du fait. Il se peut en effet que le hasard, un
obstacle au jugement éclairé (en particulier un autoverdict perceptif
ou provoqué – obstacle
29), une erreur dans la conception des observations ou des expériences,
une erreur de manipulation, une défectuosité du matériel employé
pour l’observation ou l’expérimentation, une mauvaise estimation
de la marge d’incertitude des mesures ou encore des marges d’incertitude
trop grandes, une omission, etc. soient les véritables responsables
de la confirmation ou de la réfutation d’une attente ou d’une prédiction.
Si tel s’avère être le cas, il faut recommencer l’observation ou
l’expérience en question, quitte à en modifier le protocole. Ce
n’est qu’une fois que la crédibilité de la perception de faits objectifs
et reproductibles est établie que l’on conclura qu’une attente ou
une prédiction est effectivement confirmée ou réfutée.
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LES
FAITS DOIVENT ÊTRE REPRODUCTIBLES
Pour
qu’un fait soit réel, il doit être reproductible, c’est-à-dire que
n’importe qui, n’importe quand et n’importe où doit pouvoir obtenir
exactement les mêmes résultats d’observations ou d’expériences dans
un même contexte précis et autant de fois que désiré, à l’intérieur
d’une certaine marge d’incertitude. Un fait non reproductible
est probablement un verdict accidentel.
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Partie
7
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