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Introduction

1 : Philosophie

2 : Réalité

3 : Logique

4 : Psychologie

5 : Raisonnement

6 : Obstacles

7 : Postulats

8 : Sciences

Conclusion

 

 

PARTIE 4 : FAITS, SENSATIONS, PERCEPTIONS ET REPRÉSENTATION MENTALE

 

Partie 3

PLAN DE LA PARTIE 4

 

Un arbre qui tombe fait-il nécessairement du bruit ?

Vous avez sans doute déjà entendu l’énigme suivante : « lorsqu’un arbre tombe dans une forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre, fait-il du bruit ? » Comment peut-on prétendre qu’un arbre qui tombe fait du bruit si personne n’entend ce bruit ? Cette énigme est en fait une illusion de logique : elle enfreint un principe de logique, le principe d’identité dans ce cas-ci. Dans cette énigme, on donne simultanément deux sens au mot « bruit » : le fait en tant que tel (un phénomène physique dans ce cas-ci) et la perception  du fait dans l’esprit de quelqu’un (un phénomène mental).

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Fait et objectivité

Un fait est donc un objet ou un processus en soi. Dans notre exemple, le fait est le « bruit » en tant « qu’onde de pression qui se propage dans l’air ». Un fait est en soi objectif : rappelons que cela signifie que son existence et sa nature sont indépendantes de nos sensations, de nos perceptions, de nos connaissances, de l’étendue de nos connaissances, de nos croyances, de nos désirs et hors de portée de notre volonté. Un fait objectif existe à l'extérieur de l'esprit. Un fait existe en soi, même si personne ne le perçoit.

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Sensation

Nos organes sensoriels sont conçus pour réagir à certains stimuli de l’environnement, que ce soit l’environnement « intérieur » (le corps) ou « extérieur » (l’environnement du corps). Ces stimuli peuvent être une onde de pression se propageant dans l’air (son), de la lumière, des molécules odorantes, une pression exercée sur la peau, mais aussi la température du corps, la concentration des substances dissoutes dans les liquides corporels, la position et le degré d’étirement des muscles (proprioception), l’orientation dans l’espace des canaux semi-circulaires de l’oreille interne (sens de l’équilibre), etc. La réaction de l’organe sensoriel convertit le stimulus en influx nerveux qui se rendent jusqu’au cerveau, dans les régions spécifiques associées à cet organe sensoriel. Ces influx sont appelés « sensations » (à ne pas confondre avec les autres sens du mot « sensation », comme par exemple « impression affective »). Les sensations sont, en elles-mêmes, des faits objectifs.

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Perception

La perception est le phénomène mental, qui se produit donc dans le cerveau, qui est généré par les sensations. La perception d’un fait s’effectue simultanément à la manifestation de ce fait. La perception comporte trois parties : sélection, organisation, interprétation. Les mécanismes biologiques (l’activité du cerveau) qui président la perception sont en eux-mêmes objectifs. Mais le contenu de la perception, c’est-à-dire la signification, est subjectif.

1 : SÉLECTION

Le cerveau reçoit à chaque instant des influx nerveux provenant de tous les sens : vue, ouïe, odorat, toucher, proprioception, sens de l’équilibre, etc. S’il devait tenir compte de toutes ces sensations, il ne pourrait plus fonctionner… Il ne saurait plus où donner de la tête ! Le cerveau ne retiendra donc qu’une partie des sensations reçues à un instant donné et ignorera les autres. Cette sélection s’opère sur la base de ce sur quoi l’attention se porte à l’instant immédiat, des intérêts immédiats, des besoins immédiats, de la motivation immédiate, etc. Le cerveau ignorera les stimuli qui n’ont pas pour lui d’importance au moment présent. Par exemple, si je prends une marche en ville et que j’ai faim, je remarquerai les restaurants et ignorerai les autres commerces. Si, plus tard, je marche à nouveau sur la même rue et que j’ai le goût de m’acheter un livre, ce sont les librairies que je remarquerai.

2 : ORGANISATION

Le cerveau intègre ensuite l’ensemble des sensations sélectionnées en un tout. Il fait des liens entre des événements qui surviennent à l’intérieur d’un court laps de temps afin de créer une unité perceptive globale. Par exemple, le cerveau associera le bruit entendu par les oreilles à la vue de l’arbre qui tombe : le cerveau percevra que le bruit est causé par la chute de l’arbre. Ces associations peuvent être faites à raison… ou à tort. Si mes oreilles entendent le bruit d’un autobus que mes yeux ne voient pas en même temps que mes yeux voient passer un oiseau que mes oreilles n’entendent pas, mon cerveau pourrait percevoir que ce bruit est causé par cet oiseau ! Ce genre d’erreur peut être évité grâce aux informations enregistrées dans la mémoire.

3 : INTERPRÉTATION

C’est à cette étape-ci que le cerveau donne une signification aux sensations sélectionnées et organisées. C’est donc ici qu’émerge véritablement l’information. Par l’échange d’influx nerveux entre des neurones tous situés dans le cerveau, le tout construit à l’étape de l’organisation est comparé et associé à d’autres informations, cognitives ou émotives, déjà contenues en mémoire. Il arrive que de l’information non pertinente soit retenue, ou encore que de l’information pertinente soit ignorée. Le résultat de ce travail cérébral est appelé « interprétation ». C’est en fonction de l’interprétation que le cerveau réagira ; seule l’interprétation est significative pour lui.

L’analogie du piano et de la mélodie

La perception est une propriété émergente. Comme tous les phénomènes mentaux, elle n’est pas réductible aux mécanismes neurologiques ; mais elle ne requière pas pour autant l’existence d’un principe surnaturel quelconque pour être expliquée.

On peut comparer les phénomènes mentaux, comme la perception, à une mélodie que l’on joue sur un piano. Selon cette analogie, le cerveau correspond au piano… et au pianiste en même temps. Comme si le piano était son propre pianiste ! Imaginons donc que le piano est effectivement son propre pianiste. Les notes individuelles représentent les influx nerveux émis par les neurones.

La mélodie (les phénomènes mentaux) n’est pas réductible à ses éléments constituants qui sont les notes individuelles (les influx nerveux individuels) : elle possède sa propre structure et ses propres règles (tempo, intonations, accords, etc.) qui ne peuvent pas être déduites des notes individuelles. On dit qu’elle est une propriété émergente, dont l’existence provient de l’interaction de ses éléments constituants. 

La mélodie est une entité immatérielle – à ne pas confondre avec « surnaturelle » ! Il n’est nullement nécessaire de faire appel à un élément surnaturel pour rendre compte de la mélodie. La production de chaque note individuelle (de chaque influx nerveux) est entièrement réductible aux lois déterministes de la physique et de la chimie. Mais la mélodie (les phénomènes mentaux) est plus que la seule juxtaposition des notes : elle émerge de l’interaction des notes qui donne les accords et la séquence musicale dans le temps. Le tout est donc plus que la somme de ses parties. Les lois déterministes de la physique et de la chimie ne peuvent aucunement prédire quelle sera la mélodie jouée : cela est indéterministe ! La mélodie effectivement jouée dépend des choix contingents du piano (qui est son propre pianiste), qui sont imprévisibles. Cependant, ces choix sont limités par les possibilités du piano : toute mélodie qu’un piano est incapable de jouer est impossible et ne sera jamais jouée. Un piano ne jouera jamais un solo de guitare électrique.

Pour conclure, ajoutons que même si la structure et les règles de la mélodie peuvent être étudiées sans se référer au piano, la mélodie ne peut pas exister sans le piano ! D'autre part, l'existence et la nature du piano sont objectives, c'est-à-dire indépendantes de toute mélodie.

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Conclusion sur l’arbre qui tombe

Revenons à notre énigme : «  lorsqu’un arbre tombe dans une forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre, fait-il du bruit ? » Si l’on donne au mot « bruit » un sens unique, la réponse à cette énigme surgit d’elle-même. Ainsi, si je vous demande « lorsqu’un arbre tombe dans une forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre, produit-il des ondes de pression se propageant dans l’air ? », la réponse est clairement oui. Cette réponse est même vérifiable : on pourrait placer dans la forêt un magnétophone qui enregistrerait ce bruit. D’autre part, si je vous demande « lorsqu’un arbre tombe dans une forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre, y a-t-il production d’une sensation auditive par une paire d’oreilles suivie d’une perception par un cerveau ? », la réponse est clairement non. Cette clarification enlève certes la magie de cette énigme… mais elle est absolument nécessaire à quiconque veut connaître la réalité. De telles illusions de logique ont bien entendu leur place dans les arts ou dans un discours qui veut stimuler la réflexion… mais pas dans la quête de la vérité (au sens ontologique).

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Chacun vit-il dans sa propre réalité ?

Vous avez peut-être déjà entendu cette affirmation assez répandue : « chacun vit dans sa propre réalité et aucune réalité n’est plus vraie que les autres. La réalité est subjective et relative à chacun. » Cette dernière affirmation pourrait être soutenue ainsi : supposons que trois personnes se trouvent dans une forêt au moment où un arbre tombe. Pour la première personne, le bruit est aigu. Pour la deuxième, il est grave. La troisième personne est sourde : pour elle il n’y a pas de bruit du tout. Les trois personnes rentrent chez elles, chacune emportant son propre souvenir. Chacune aura raison dans sa réalité et personne n’aura tort. Il n’y a pas de vérité absolue : il n’y a que des vérités relatives. (Remarque : doit-on considérer que la dernière phrase est une vérité absolue ?) Ce raisonnement est en fait une illusion de logique : il enfreint un principe de logique, le principe d’identité dans ce cas-ci. Dans ce raisonnement, on donne simultanément deux sens au mot « réalité » : la réalité objective en tant que telle (le bruit en tant que phénomène physique dans ce cas-ci) et la représentation mentale de la réalité dans l’esprit de quelqu’un (le souvenir du bruit dans ce cas-ci).

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Représentation mentale

La représentation mentale est enregistrée dans la mémoire. Je peux me rappeler du bruit que j’ai entendu même en son absence. Ce souvenir que je fais remonter à ma conscience est ma représentation mentale du phénomène physique que j’ai perçu. La représentation mentale des faits peut être divisée en deux étages plus ou moins artificiels. Le niveau 1, obligatoire, est celui de la description du fait. Je me souviens du bruit que j’ai entendu. Je peux l’imiter. Le niveau 2, optionnel, est celui de l’explication. Ici, l’explication serait « le bruit a été produit par la chute d’un arbre ». Je pourrais approfondir cette explication en cherchant les raisons de la chute de l’arbre. Dans ce cas, la « chute d’un arbre » deviendrait une description dont l’explication traiterait de la loi de la gravité et du dommage que devait avoir subi le tronc de cet arbre. Je pourrais approfondir encore davantage ces affirmations, qui deviendraient alors des descriptions expliquées par des principes encore plus recherchés. Et ainsi de suite… jusqu’à ce que je remonte à l’explication ultime des origines de l’univers !

Les mécanismes biologiques (l’activité du cerveau) qui président la représentation mentale sont en eux-mêmes objectifs. Mais le contenu de la représentation mentale est subjectif. La représentation mentale est une propriété émergente. Comme tous les phénomènes mentaux, elle n’est pas réductible aux mécanismes neurologiques ; mais elle ne requière pas pour autant l’existence d’un principe surnaturel quelconque pour être expliquée. Tout comme la perception, la représentation mentale peut être comparée à une mélodie jouée par un piano : voir « l’analogie du piano et de la mélodie ».

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La structure de la mémoire

Notre représentation mentale de la réalité, avec ses étages plus ou moins artificiels de la description et de l’explication, fait partie de notre mémoire. Afin de se donner une vision claire et globale des choses, nous allons tracer un portrait d’ensemble de la mémoire. La mémoire se divise en trois parties : la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme.

1 : LA MÉMOIRE SENSORIELLE

La mémoire sensorielle consiste en ce qu'un organe sensoriel persiste à émettre des influx nerveux pendant une fraction de seconde après la cessation du stimulus, comme s'il continuait à recevoir le stimulus.

2 : LA MÉMOIRE À COURT TERME ET LA MÉMOIRE DE TRAVAIL

La mémoire à court terme consiste en « ce que nous avons à l’esprit à l’instant présent ». Elle est capable de contenir simultanément quelques éléments pour une durée maximale de quelques secondes à quelques minutes. Pour ne pas qu’un élément qui nous intéresse disparaisse de la mémoire à court terme, il faut donc y revenir régulièrement.

La mémoire à court terme sert aussi de mémoire de travail : c’est là que s’effectuent les processus mentaux. La mémoire de travail peut récupérer des souvenirs de la mémoire à long terme, qu’elle peut éventuellement modifier à la lumière d’autres souvenirs ou de perceptions.

3 : LA MÉMOIRE À LONG TERME

La mémoire à long terme est le lieu où s’enregistrent les informations de façon permanente. Elle se subdivise elle-même en trois sous-parties : la mémoire procédurale, la mémoire épisodique et la mémoire sémantique.

3a : La mémoire procédurale

La mémoire procédurale est la mémoire des gestes et des mouvements. Elle contient l’information relative aux gestes appris que nous effectuons de façon automatique, sans y penser : marcher, nager, manger, etc. Elle contient également l’information relative aux habiletés apprises : jouer de tel instrument de musique, dessiner, écrire, manipuler tel outil, etc.

3b : La mémoire épisodique

La mémoire épisodique est la mémoire des événements. Elle emmagasine les épisodes qui constituent l’histoire de notre vie personnelle.

3c : La mémoire sémantique ou représentation mentale de la réalité

La mémoire sémantique est la mémoire des significations et des interprétations. Elle contient les informations que nous avons relativement au contenu de la réalité et à son fonctionnement. Notre représentation mentale de la réalité est toujours partielle, partiellement fausse et fragmentée.

Chacun vit dans sa propre représentation mentale de la réalité !

Revenons à notre affirmation de départ : « chacun vit dans sa propre réalité et aucune réalité n’est plus vraie que les autres. La réalité est subjective et relative à chacun. » Dans cette affirmation, le mot « réalité » est en fait utilisé au sens de « représentation mentale de la réalité », et non au sens de la « réalité objective » en soi. Il faut remplacer cette affirmation par la suivante : « l’esprit (en tant que phénomène émergent de l’activité du cerveau, et non en tant qu’entité surnaturelle !) ne vit pas dans la réalité objective en soi mais dans sa propre représentation mentale de la réalité. L’esprit confond facilement sa représentation mentale de la réalité avec la réalité objective en soi et a de la difficulté à concevoir qu’une autre personne ait une représentation mentale différente. »

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