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Introduction

1 : Philosophie

2 : Réalité

3 : Logique

4 : Psychologie

5 : Raisonnement

6 : Obstacles

7 : Postulats

8 : Sciences

Conclusion

 

 

CONCLUSION

 

Partie 8

PLAN DE LA CONCLUSION

 

Attitude précieuse et attitudes fâcheuses

Pour chercher la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne, l’humain peut procéder de différentes manières. Appelons « attitude précieuse » l’attitude triple qui consiste simultanément (1) à chercher la vérité collectivement plutôt qu’individuellement, (2) à éviter les obstacles au jugement éclairé du mieux qu’il soit humainement possible de le faire, et enfin (3) à juger de la valeur de vérité des idées exclusivement par les deux critères de vérité des sciences, que ceux-ci soient adaptés et appliqués à la vie quotidienne ou qu’ils soient appliqués tels quels à la recherche scientifique. Appelons « attitude fâcheuse » toute autre attitude employée pour chercher la vérité.

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Le doute et la certitude

L’humain est faillible et sujet à se tromper plus facilement et plus souvent qu’il n’aime à le croire. Pour cette raison, lorsque vient le temps de se prononcer sur la valeur de vérité des idées, les sciences sont sceptiques, conservatrices et pointilleuses. Mais cette attitude n’est pas la manifestation concrète d’un principe caché qui affirmerait qu’il n’y a pas de certitude possible en sciences, mais seulement des conjectures plus ou moins probables. Nous ne parlons ici bien sûr que de certitudes pratiques : nous avons établi que la certitude philosophique est impossible à atteindre (voir « certitude philosophique et certitude pratique »). Cette attitude est plutôt une démarche – une méthode – qui a pour but, justement, de dépasser la faillibilité humaine et le doute que celle-ci entraîne nécessairement pour accéder à la certitude pratique, ou à tout le moins à des idées qui soient « très probablement vraies ». Si, au début d’une nouvelle recherche, les scientifiques doutent de presque tout, ce n’est pas dans le seul but de douter ni parce que ce doute méthodique serait insurmontable : c’est dans le but explicite d’être, à la fin de cette recherche, très sûrs – et parfois même certains (de façon pratique) – de ce dont ils ne douteront plus.

Si le doute était effectivement, en pratique, insurmontable ou si les humains étaient incapables de trouver mieux que des conjectures plus ou moins probables, il n’y aurait pas de progrès possible. L’accumulation progressive et historique de connaissances de plus en plus étendues et de plus en plus profondes ne serait pas une réalité. Les transformations radicales que nous avons pu opérer, grâce au développement de nos connaissances scientifiques, sur notre mode de vie et sur notre environnement - ces transformations étant bien tangibles et bien réelles ! - ne seraient pas non plus des réalités. Pensons en particulier au rythme exponentiel de croissance de notre population...

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De déceptions en révélations

Les réponses que nous apportent les sciences ont le grand défaut de nous décevoir doublement. Dans un premier temps, elles détruisent nos rêves d’une réalité quotidiennocentrique, anthropocentrique et anthropomorphique, conçue à notre image, pour nous et à notre mesure… Dans un deuxième temps, elles nous « forcent » à accepter une vision de la réalité où nous nous sentons inimaginablement minuscules, perdus, inutiles, sans raison d’être, accessoires, accidentels, voire étrangers… Les réponses scientifiques écorchent notre orgueil et nous contraignent à l’humilité…

… mais une fois ce prix payé, elles nous ouvrent les portes d’un monde infiniment plus vaste, fascinant, stimulant, complexe, démesuré, excitant, merveilleux, exubérant, excessif, dérangeant, déroutant… et surtout infiniment plus VRAI que le monde auquel nos illusions quotidiennocentriques, anthropocentriques, anthropomorphiques et narcissiques nous confinent ! Pensons à la double nature onde-corpuscule des particules microscopiques et à leur comportement aléatoire, aux effets relativistes (contraction des longueurs, dilatation du temps, universalité de la vitesse de la lumière et impossibilité de dépasser celle-ci), à la génétique, à la complexité et à l’universalité de la chimie des êtres vivants (du pissenlit à l’humain, du céleri au calmar géant, de l’amibe au moineau domestique, des bactéries aux scorpions, des levures aux dinosaures, etc.), à l’évolution des espèces, au Big Bang, à l’expansion de l’univers, à l’âge gigantesque de l’univers, à la centaine de milliards de galaxies de l’univers connu, à la centaine de milliards de neurones interconnectés du cerveau humain, au nombre inconcevable d’atomes que contient le corps humain…

En plus, la découverte du contenu et du fonctionnement de la réalité nous ouvre une autre porte : celle de la maîtrise de la réalité. Ce n’est qu’en connaissant la réalité telle qu’elle est vraiment que nous pouvons agir adéquatement et efficacement sur elle pour la transformer de sorte à atteindre nos buts. Le succès des sciences en cela est inégalé, pour le meilleur comme pour le pire : médecine moderne, électricité, télévision, radio, G.P.S. (« global positionning system »), voitures, réfrigérateurs, téléphones cellulaires, avions, moyens contraceptifs, ordinateurs, Internet, astronautes sur la Lune, bathyscaphes, génie génétique… mais aussi bombes nucléaires, armes chimiques et bactériologiques, pollution, changements climatiques, destruction de la couche d’ozone, surpopulation… et enfin quantité de livres passionnants à explorer qui n’ont pu être écrits que grâce aux sciences ! En comparaison, les contributions à la modification des conditions de vie de l'humanité (pour le meilleur comme pour le pire) faites par les religions et les philosophies, ou encore par la magie, les supposés pouvoirs psychiques (télépathie, télékinésie, etc.), ou les pseudo-sciences en tous genres (astrologie, homéopathie, etc.) paraissent bien minimes.

En ce qui concerne la quête de la vérité (sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne) ainsi que la modification de notre mode de vie et de notre environnement, les succès (pour le meilleur comme pour le pire) de la démarche scientifique, accomplis en seulement 400 ans d’histoire, dépassent largement tous les succès cumulés par les démarches religieuses et philosophiques en plusieurs millénaires d’histoire. En outre, les sciences sont les seules à être capables de dépasser le domaine perceptible de la réalité et à frôler les limites de la capacité à imaginer des humains sans se perdre dans la fiction. Les sciences sont ainsi les seules à être capables de sonder le réel dans tous ses domaines, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, domaines accessibles exclusivement par le travail concerté des sens, des instruments de mesure, de la logique, des mathématiques, de la raison, de l’imagination et par un travail collectif et historique des humains. Quelle oeuvre colossale ! La démarche scientifique avec ses résultats constitue sans doute la plus grande réalisation de l’humanité entière, de toutes ses cultures et de toute son histoire.

Ce début de 21e siècle est, du point de vue de la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne, sans précédent. Bien entendu, les réponses actuelles apportées par les sciences ne sont encore qu’incomplètes et fragmentées. Nous n’avons pas encore UNE science unifiée qui engloberait toutes les autres sciences et contiendrait tout ce qu’il y a à savoir sur la réalité : nous avons encore beaucoup de recherche fondamentale à faire. Mais nous avons déjà commencé à découvrir les plus grands secrets de l’univers qui fascinent l’humanité depuis toujours : le secret de la constitution de la réalité (les cinq éléments naturels) ; le secret du fonctionnement de la réalité (les lois déterministes, immuables et éternelles de la physique et de la chimie ainsi que l’indéterminisme en tant que propriété émergente des systèmes complexes constitués d’un grand nombre de parties) ; le secret de la création (le Big Bang) ; le secret de la vie (génétique, chimie de la vie et évolution des espèces) ; et enfin… le secret de la conscience (neurologie, psychologie et éthologie)… Non seulement nous savons aujourd’hui que l’humanité, la Terre et l’univers n’ont pas toujours existé, mais en plus nous sommes capables d’estimer leurs âges et de dévoiler les détails de leurs histoires ! Seule la démarche scientifique est capable de produire de pareils résultats. Sans la démarche scientifique, ces questions fondamentales de l’ontologie seraient demeurées à jamais des mystères insondables.

Notre représentation mentale de la réalité est un double partiel, partiellement faux et fragmenté de la réalité, dont le support matériel se situe dans les connexions spécifiques entre les neurones de notre cerveau. Voir « l'analogie du piano et de la mélodie ». La recherche scientifique a pour but de rendre notre représentation mentale de la réalité : 1) moins partielle, en y ajoutant de nouvelles connaissances ; 2) moins partiellement fausse, en y retirant des croyances erronées déjà présentes ; et enfin 3) moins fragmentée en découvrant les relations cachées entre des faits en apparence sans rapport. Voir « croyance ou connaissance ? ». Le but ultime des sciences est de construire une représentation mentale de la réalité qui soit complète, complètement vraie et complètement unifiée.

Soyons heureux de vivre au début du troisième millénaire : nous faisons partie de l’infime minorité de tous les humains qui ont existé depuis la nuit des temps qui peut goûter à un niveau de compréhension de la réalité d’une étendue et d’une profondeur époustouflantes. Les quelques générations qui coexistent en l’an 2000 sont les premières générations de toute l’histoire de l’humanité, parmi les 5000 générations qui se sont succédées depuis l’apparition de notre espèce Homo sapiens,  parmi les 500 générations qui se sont succédées depuis les balbutiements de l’agriculture et de la sédentarisation (les 4500 premières générations de notre espèce ayant vécu exclusivement en groupes nomades de chasseurs cueilleurs), et parmi les 300 générations qui se sont succédées depuis l’invention de l’écriture, à avoir le privilège d’avoir des réponses – parfois complètes, parfois partielles – à des questions qui furent des mystères absolument inaccessibles durant la quasi totalité de l’histoire humaine.

Biologiquement parlant, nous sommes identiques aux hommes de Cro-Magnon qui ont peint la grotte de Lascaux. C'est uniquement sur le plan culturel que l'humain a changé au cours des derniers 100 000 ans, en particulier au niveau de sa production d'images et d'idées pour représenter la réalité.

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La tolérance, la lucidité et le dogmatisme

Parfois, au nom de la tolérance et du respect de la liberté de pensée, on proclame que « chacun a raison de croire ce qu’il veut. » Cette attitude revient à affirmer que « toutes les idées se valent. » Comme si la réalité avait une « personnalité » multiple qui donne raison à chacun de se la représenter à sa convenance. Or, la réalité a une « personnalité » unique et objective (c’est-à-dire dont l’existence et la nature sont indépendantes de nos sensations, de nos perceptions, de nos connaissances, de l’étendue de nos connaissances, de nos croyances, de nos désirs et hors de portée de notre volonté). La vérité (au sens ontologique) n'est pas relative à chacun ! Certaines idées sont vraies alors que d'autres sont fausses, peu importe ce que les humains en pensent ou veulent en penser. Il faut plutôt proclamer que « chacun a le DROIT de croire ce qu’il veut, même s’il a tort. Chacun a le droit de se placer volontairement et de rester volontairement dans l’erreur. » On a le droit de choisir entre chercher à connaître la réalité telle qu’elle est vraiment ou se contenter de vivre dans ses fantaisies. Mais seul le premier choix est légitime du point de vue de la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne : on n’a jamais raison de faire le deuxième choix. Autrement dit, le fait que « croire ce qu’on veut » soit légitime dans le contexte de la vie en société n’entraîne aucunement que cela soit également légitime dans le contexte de la quête de la vérité.

L’attitude qui consiste à proclamer que « chacun a raison de croire ce qu’il veut » jette le bébé avec l’eau du bain. L’eau du bain est la volonté d’imposer ses idées aux autres ; le bébé est la capacité des humains à distinguer le vrai du faux, à condition de respecter une certaine démarche (la démarche scientifique). Cette attitude nie l’autorité des sciences pour ce qui est de la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne. Pourtant, cette autorité est plus que démontrée par les changements radicaux que nous avons effectivement opérés, pour le meilleur comme pour le pire, sur notre mode de vie et sur notre environnement, au cours des 400 dernières années, grâce justement à la démarche scientifique. La démarche scientifique a déjà plus que démontré qu’elle est la seule démarche valable pour chercher la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment celle-ci fonctionne. D’ailleurs, pourquoi l’humanité se serait-elle dotée d’une démarche aussi laborieuse, pointilleuse et - surtout - dispendieuse que la démarche scientifique si cette démarche ne produisait pas des idées qui sont meilleures ?

Le dogmatisme ne réside pas, en réalité, dans la certitude que nous avons que certaines idées sont, de façon absolue, meilleures que les autres (du point de vue de la quête de la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne). Le dogmatisme réside plutôt dans la manière dont nous établissons cette certitude : cette certitude repose-t-elle sur le désir de croire, sur l’autorité idéologique ou sur le charisme de certains individus, sur le conformisme, sur l’un des nombreux obstacles au jugement éclairé… ou plutôt sur la démarche scientifique ou encore sur la notion de certitude pratique ?

L'équilibre entre la tolérance et la lucidité peut être précaire et parfois difficile à saisir clairement et distinctement. Il est beaucoup plus facile que nous pourrions aimer à le croire de déraper et de tenter d'imposer nos idées aux autres. La vigilance constante à cet égard est donc absolument nécessaire ! Ajoutons que les dérapages seront d'autant plus fréquents et passeront d'autant plus inaperçus que nous rejetterons notre lucidité, même si ce rejet se fait au nom de la tolérance.

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La nécessité d’une philosophie des sciences différentielle

En terminant, ajoutons que la philosophie des sciences doit être différentielle sur deux plans : horizontal et vertical. Sur le plan horizontal, la philosophie des sciences ne peut pas appliquer les mêmes principes à toutes les sciences, de la physique et de la chimie à la sociologie et à l’histoire. D’une part, en raison de la nature et de la complexité très variables des objets et processus étudiés par les différentes sciences. Voir à ce sujet « la hiérarchie des sciences ». D’autre part, en raison des capacités très variables des différentes sciences à produire des réponses « très probablement vraies » ou « vraies avec certitude (pratique) ». Sur le plan vertical, la philosophie des sciences ne doit pas appliquer les mêmes principes aux théories frontière et aux théories établies. Les premières sont toujours provisoires et sujettes à éventuellement être rejetées et remplacées. Les secondes sont très solides et très stables ; elles s’accumulent progressivement dans le temps, ce qui permet à notre représentation mentale de la réalité de devenir, historiquement, de plus en plus étendue et de plus en plus profonde.

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Résumé synthèse

Nous allons maintenant rassembler les réponses qui ont été données, dans les diverses parties de ce site, aux trois buts poursuivis par ce site. Cette section rappelle donc les idées essentielles du site et répète plusieurs passages importants.

(1) Expliquer ce qu'est la démarche scientifique, ainsi que la manière dont elle procède pour chercher de nouvelles connaissances et pour juger de leur valeur de vérité.

(2) Présenter les fondements et les postulats philosophiques de la démarche scientifique.

(3) Expliquer en quoi et pourquoi la démarche scientifique est la seule démarche valable pour chercher la vérité.

Comment distinguer le vrai du faux ?

(1) EXPLIQUER CE QU'EST LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE, AINSI QUE LA MANIÈRE DONT ELLE PROCÈDE POUR CHERCHER DE NOUVELLES CONNAISSANCES ET POUR JUGER DE LEUR VALEUR DE VÉRITÉ.

La démarche scientifique, en tant que quête de la vérité, ne cherche pas à nous dire ce qui est bien ou mal, ce qu'il faut faire et ne pas faire, ce qui est beau ou laid, ni quel est le sens ou le but de la vie. Elle cherche exclusivement à nous dire ce qu'est la réalité et comment celle-ci fonctionne. La connaissance scientifique n'est ni bonne ni mauvaise en soi : elle est neutre. Ce qui est bon ou mauvais, c'est ce que nous décidons de faire… ou de ne pas faire avec le savoir scientifique.

L'élément central de la démarche scientifique consiste à confronter systématiquement les idées aux faits objectifs concernés : ce sont toujours les faits objectifs, indépendants des humains, qui jugent de la véracité ou la fausseté des idées.

(Voir partie 8.) Les 5 étapes de la démarche scientifique, qui constituent la manière dont les diverses sciences procèdent pour chercher de nouvelles connaissances et pour juger de leur valeur de vérité, sont :

1 : La collecte et la quantification des faits.

2 : L'induction ou la création d'hypothèses (1) pertinentes, (2) cohérentes, (3) quantifiables, (4) vérifiables et (5) expliquant la plus grande diversité de faits possible en faisant le plus petit nombre de suppositions possible.

3 : La déduction ou l'art de la prédiction par la logique.

4 : La validation des prédictions par des faits reproductibles.

5 : Le désir de cohérence externe.

La démarche scientifique n'est pas une recette toute préparée d'avance que les scientifiques se contentent de suivre à la lettre, étape par étape. Il s'agit plutôt d'un ensemble de principes, d'attitudes et de critères à adopter dans la recherche de la vérité sur ce qu'est la réalité et sur comment elle fonctionne. Ainsi, dans la pratique, ces 5 étapes (ou quelques unes d'entre elles) peuvent être mises en oeuvre simultanément dans un domaine de recherche donné. Chacune de ces 5 étapes constitue en soi une démarche scientifique valide.

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(2) PRÉSENTER LES FONDEMENTS ET LES POSTULATS PHILOSOPHIQUES DE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE.

(I) La double problématique de la quête de la vérité
(II) La nécessité d'une démarche rigoureuse
(III) Psychologie et raison
(IV) Le doute et la certitude
(V) Les 4 classes de postulats métascientifiques
(VI) L'évolution historique des sciences

 

(I) LA DOUBLE PROBLÉMATIQUE DE LA QUÊTE DE LA VÉRITÉ

La quête de la vérité, par l'humain, sur ce qu'est la réalité et sur comment celle-ci fonctionne, débute par deux problèmes majeurs.

(1) L'esprit humain ne vit pas dans la réalité objective, mais dans la représentation mentale qu'il s'en fait. Le seul moyen qu'a l'esprit d'être en contact avec la réalité objective est constitué des sens. Privé des sens, l'esprit se retrouve en isolement complet. Toute représentation mentale de la réalité est nécessairement partielle, partiellement fausse et fragmentée. La quête de la vérité a pour but de rendre la représentation mentale de la réalité moins partielle (en y ajoutant de nouvelles idées vraies), moins partiellement fausse (en y dépistant les idées fausses pour les retirer) et moins fragmentée (en créant des liens entre les différents éléments de celle-ci).

(2) La vérité n'est pas infuse : elle ne se trouve pas déjà cachée à l'intérieur de l'esprit. La vérité se trouve à l'extérieur de l'esprit, cachée derrière les faits objectifs dont l'esprit peut prendre connaissance par l'entremise de ses sens, ou encore par l'entremise d'instruments de mesure (télescope, microscope, spectromètre, etc.), ceux-ci constituant une extension des sens.

Précisons ce qu'on entend par « fait objectif » : l'existence et la nature d'un fait dit « objectif » sont indépendantes de nos sensations, de nos perceptions, de nos connaissances, de l'étendue de nos connaissances, de nos croyances, de nos désirs et hors de portée de notre volonté. Un fait objectif existe à l'extérieur de l'esprit. Un fait objectif existe en soi, même si personne ne le perçoit.

 

(II) LA NÉCESSITÉ D'UNE DÉMARCHE RIGOUREUSE

La double problématique de la quête de la vérité entraîne que l'esprit qui cherche la vérité doit se doter d'une démarche rigoureuse, afin de diminuer les risques d'erreur. La vérité ne peut pas être découverte n'importe comment ! La double problématique exige de l'esprit qui veut connaître la réalité objective qu'il distingue le vrai du faux sur la base de faits objectifs extérieurs à lui. Cette exigence constitue l'élément central de la démarche scientifique. La démarche scientifique est la meilleure démarche humainement possible pour chercher la vérité (au sens ontologique).

 

(III) PSYCHOLOGIE ET RAISON

L'esprit humain possède une certaine structure et un certain mode de fonctionnement. Il faut tenir compte des éléments de la psychologie humaine et du raisonnement qui sont sous-jacents à toute quête de la vérité, en particulier à la démarche scientifique.

(Voir partie 4.) Il faut tout d'abord faire la distinction entre les faits objectifs en eux-mêmes, les sensations qui sont les signaux nerveux envoyés par les organes sensoriels au cerveau, et la perception qui est une activité exclusivement cérébrale. La perception s'effectue en trois étapes : (1) le cerveau sélectionne, parmi tous les stimuli qu'il reçoit à un instant donné, ceux qu'il juge pertinents à ses dispositions du moment ; (2) le cerveau organise les stimuli retenus en un tout en créant des liens ; (3) enfin, le cerveau donne un sens à ce tout.

« Raisonner », ou « argumenter », consiste à partir d'idées vraies pour en déduire de nouvelles idées vraies. « Raisonner » est un art qui ne se pratique pas n'importe comment.

(Voir partie 3.) Pour raisonner correctement, il faut d'abord respecter deux principes fondamentaux de logique : le principe d'identité et le principe de non-contradiction. Le premier principe stipule qu'il faut donner un sens unique et exclusif à un mot donné. Si l'on désire utiliser ce même mot dans un autre sens, il faut alors dire explicitement que l'on effectue ce changement de sens. Sinon, la communication devient impossible. Le second principe dicte qu'une affirmation ne peut pas, dans un même contexte, être simultanément vraie ET fausse.


(Voir partie 5.) Pour raisonner correctement, il faut de plus respecter les deux critères de l'argumentation : le critère d'acceptabilité des prémisses et le critère de suffisance des liens. Le premier critère exige que les idées de départ - les prémisses - soient elles-mêmes valides. Le second critère exige que les prémisses entraînent nécessairement la conclusion, celle-ci étant l'idée finale dont on veut établir la validité par l'argumentation.

(Voir partie 5.) L'appel à l'autorité, qui consiste à croire sur parole ce qu'une personne affirme parce que nous avons suffisamment de bonnes raisons de croire qu'elle dit vrai, est une nécessité tant en sciences que dans la vie de tous les jours. Un appel à l'autorité peut être valable ou non. Il existe quatre règles qu'un appel à l'autorité doit respecter pour être admissible.

(Voir partie 6.) Il existe de nombreux obstacles au jugement éclairé qui découlent de la psychologie humaine et des règles que la raison doit suivre. Rappelons-en les principaux (les nombres qui suivent correspondent à ceux de la partie 6). (1) Le « quotidiennocentrisme » consiste à croire implicitement que ce que nous percevons effectivement de la réalité, par nos sens, dans notre vie quotidienne, est représentatif de l'ensemble de la réalité. (3) Le cerveau est sélectif : il tend à ne retenir que les faits qui confirment ses croyances et à oublier ceux qui les contredisent. (8, 9 et 10) Nos souvenirs ne sont pas aussi sûrs que nous aimons à le croire : ils se modifient avec le temps. Certains de nos souvenirs peuvent même être carrément fictifs. (6, 7 et 11) Nous sommes incapables d'avoir présent à l'esprit, simultanément, tout le contenu de notre représentation mentale de la réalité. Cela entraîne que nous pouvons entretenir des idées contradictoires sur le réel sans nous en rendre compte. (15) Le désir de croire est un obstacle majeur au jugement éclairé : il tend à nous faire prendre nos désirs pour la réalité. (16) Le conformisme consiste à adopter les idées des autres plutôt que de développer son esprit critique et de chercher à réfléchir par soi-même de manière éclairée. (17) L'identification à nos idées peut nous mener à confondre une critique de celles-ci avec une attaque personnelle. (20 et 21) Nous pouvons être paresseux, et même malhonnêtes, intellectuellement. (30) Enfin, il arrive que des faits viennent confirmer ou réfuter des idées de manière tout à fait accidentelle ; ces faits ne sont pas alors des preuves de quoi que ce soit. Afin de contourner ce dernier obstacle au jugement éclairé, les sciences ne retiennent que les faits qui sont reproductibles.

 

(IV) LE DOUTE ET LA CERTITUDE

L'humain est faillible et sujet à se tromper plus facilement et plus souvent qu'il n'aime à le croire. Pour cette raison, lorsque vient le temps de se prononcer sur la valeur de vérité des idées, les sciences sont sceptiques, conservatrices et pointilleuses. Cette attitude est une démarche - une méthode - qui a pour but de dépasser la faillibilité humaine et le doute que celle-ci entraîne nécessairement afin d'accéder à des idées qui soient « très probablement vraies », voire « vraies avec certitude ». Si, au début d'une nouvelle recherche, les scientifiques doutent de presque tout, ce n'est pas dans le seul but de douter ni parce que ce doute méthodique serait insurmontable : c'est dans le but explicite d'être, à la fin de cette recherche, très sûrs - et parfois même certains - de ce dont ils ne douteront plus.


(Voir partie 7.) À cet égard, il est essentiel de distinguer les deux types de certitude : la certitude philosophique et la certitude pratique. Une certitude philosophique est une vérité absolue, démontrée et impossible à contester : la certitude philosophique est, en pratique, impossible à atteindre. Mais cela n'implique pas qu'on ne peut être certain de rien : on peut, en pratique, être certain de certaines choses même s'il est impossible de démontrer la certitude de ces choses. Par exemple, on ne peut qu'être certain que le jour et la nuit continueront à se succéder tant et aussi longtemps que la Terre existera, même si on ne peut faire une démonstration complète et absolue que ce fait est certain. Il reste toujours de la place pour un doute « philosophique », mais non pour un doute « pratique ». Ainsi en est-il de l'affirmation de Descartes : « je pense donc je suis » (même si Descartes considérait cette affirmation comme une certitude philosophique). On parle alors de certitudes pratiques. Une certitude pratique est une évidence en soi dont la certitude est impossible à démontrer tout autant qu'elle est impossible à nier sans que l'on se paralyse soi-même et que l'on devienne incapable de fonctionner dans son environnement quotidien.
Il ne faut pas confondre les certitudes pratiques avec les idées infalsifiables. Il est certes impossible de démontrer, de manière complète et absolue, la certitude de ces dernières comme de ces premières… mais il est tout à fait possible de nier une idée infalsifiable sans que cela n'entraîne de conséquences absurdes ou nous rende incapables de fonctionner au quotidien. Quelques exemples d'idées infalsifiables : l'existence de Dieu, l'existence d'une âme surnaturelle, l'existence des anges, etc. Une certitude pratique est une croyance dont la certitude est indémontrable mais incontournable : une certitude pratique est une nécessité. Une idée infalsifiable est une croyance dont la certitude est indémontrable mais non nécessaire : on peut s'en passer.

 

(V) LES 4 CLASSES DE POSTULATS MÉTASCIENTIFIQUES

(Voir partie 7.) La démarche scientifique repose sur une série d'affirmations considérées vraies. Ce site se contente d'énumérer ces affirmations sans en discuter. Elles seront discutées en détails dans le livre que je proposerai bientôt à des éditeurs.

 

(VI) L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DES SCIENCES

Nous ne connaissons, pour l'instant, que partiellement la vérité sur ce qu'est la réalité et sur comment celle-ci fonctionne. Bien que nous ne puissions que spéculer sur ce qui est encore inconnu, nous pouvons néanmoins être certains (de façon pratique) des théories scientifiques déjà établies. Nous ne pouvons pas être certains de ce que seront les découvertes ultérieures, mais nous pouvons au moins être certains de ce qu'elles ne seront pas : elles n'entreront pas en contradiction avec les théories déjà établies dans le domaine de validité de celles-ci. Les découvertes ultérieures pourront cependant remettre en question ce que nous croyons être les frontières des domaines de validité des théories déjà établies. Il est à noter que ces frontières ne sont pas nettes et précises : elles sont floues et graduelles.

Les sciences ne progressent pas de façon discontinue, par rejets successifs de théories établies et par leur remplacement par des théories différentes. Elles progressent par l'accumulation progressive et historique de connaissances de plus en plus étendues et de plus en plus profondes. Les théories qui ont été prouvées « demeurent toujours vraies » (ne pas les confondre avec les théories en développement, qui sont l'objet de la recherche actuelle, et qui se situent à la limite du savoir humain) ; ce que les nouvelles découvertes, inexplicables au moment où elles sont faites, remettent en question, ce n'est pas les théories déjà prouvées en tant que telles, mais plutôt leurs domaines de validité (c'est-à-dire leurs portées).

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(3) EXPLIQUER EN QUOI ET POURQUOI LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE EST LA SEULE DÉMARCHE VALABLE POUR CHERCHER LA VÉRITÉ.

(I) Trois démarches pour chercher la vérité
(II) Justification théorique
(III) Justification empirique
(IV) La liberté de pensée

 

(I) TROIS DÉMARCHES POUR CHERCHER LA VÉRITÉ

En simplifiant, on peut dire que l'humain, tout au long de son histoire, a créé trois démarches différentes pour chercher la « vérité » : les religions, les philosophies et les sciences. Les religions sont sans doute au moins aussi anciennes que notre espèce Homo sapiens (100 000 ans) ; elles jugent de la valeur de vérité des idées en prétendant à la révélation divine ou encore en ayant recours à l'analogie. La démarche philosophique a débuté il y a environ 2600 ans ; elle a recours à la logique et fait souvent montre d'esprit critique envers les conceptions de la réalité élaborées. Enfin, pour la démarche scientifique, la raison est nécessaire… mais insuffisante pour chercher la vérité. Toute idée doit, en plus d'être cohérente, être en accord avec les faits objectifs qui la concernent.

 

(II) JUSTIFICATION THÉORIQUE

La démarche scientifique est la seule démarche qui place les faits objectifs avant les idées, qui donne priorité aux faits objectifs sur les idées. Cela signifie que ce sont toujours les faits objectifs qui tranchent entre le vrai et le faux, et non pas les désirs, les préférences, les opinions, les intuitions ou les intérêts de qui que ce soit. Si une théorie, aussi plaisante et cohérente soit-elle, ne concorde pas avec les faits qu'elle prétend expliquer, alors elle est fausse et doit être soit modifiée, soit rejetée. D'autre part, si une théorie concorde avec les faits qu'elle prétend expliquer, alors elle est considérée vraie et doit être acceptée, aussi déplaisante ou déroutante soit-elle.

La démarche scientifique est donc la seule démarche de recherche de la vérité à être construite sur la base d'un mécanisme d'autocorrection qui utilise comme critères de vérité des faits objectifs indépendants des humains. Ce mécanisme a pour but de diminuer les risques d'erreurs engendrés par la double problématique de la quête de la vérité : (1) l'esprit ne vit pas dans la réalité objective mais dans la représentation mentale qu'il s'en fait ; (2) la vérité n'est pas infuse : elle se trouve à l'extérieur de l'esprit. Voilà en quoi et pourquoi la démarche scientifique, bien qu'elle ne soit pas parfaite et qu'elle ne nous donne pas toutes les réponses, est la seule démarche valable pour chercher à connaître ce qu'est la réalité et comment celle-ci fonctionne - que cette démarche soit appliquée telle quelle en sciences ou qu'elle soit adaptée et appliquée à la vie quotidienne. La démarche scientifique n'est donc pas qu'une démarche parmi d'autres pour chercher à connaître le réel, qui ne serait ni meilleure ni moins bonne que les autres !

De plus, les sciences sont les seules à être capables de dépasser le domaine perceptible de la réalité et à frôler les limites de la capacité à imaginer des humains sans se perdre dans la fiction. Les sciences sont ainsi les seules à être capables de sonder le réel dans tous ses domaines, de l'infiniment petit à l'infiniment grand, domaines accessibles exclusivement par le travail concerté des sens, des instruments de mesure, de la logique, des mathématiques, de la raison, de l'imagination et par un travail collectif et historique des humains.

 

(III) JUSTIFICATION EMPIRIQUE

Notre espèce, Homo sapiens, existe depuis environ 100 000 ans. Prenons le temps de réaliser l'ampleur, l'étendue et la profondeur des changements qui sont survenus aux niveaux (1) de notre représentation mentale de la réalité, (2) de notre mode de vie et (3) de notre environnement, au cours du dernier 0,4 % de notre histoire (depuis Galilée, vers l'an 1600), pour le meilleur comme pour le pire, grâce à la démarche scientifique. Comparons maintenant ces changements avec l'ensemble des changements survenus à ces trois niveaux, grâce aux démarches religieuse et philosophique, au cours des 99,6 % de notre histoire qui ont précédé la venue de la démarche scientifique. Nous ne pouvons alors que constater, par les faits et par l'histoire, que la démarche scientifique a une efficacité et une puissance uniques qui la distinguent radicalement des démarches religieuse et philosophique ! Notez que nous venons ici d'utiliser la démarche scientifique elle-même - confronter les idées aux faits objectifs - pour justifier l'idée que la démarche scientifique est la seule démarche valable pour chercher la vérité ! Et ce, bien qu'elle ne soit pas parfaite et qu'elle ne nous donne pas toutes les réponses.

 

(IV) LA LIBERTÉ DE PENSÉE

Le fait que la démarche scientifique soit la seule démarche valable pour chercher la vérité restreint-il la liberté de pensée ? Cela dépend de l'objectif que l'on poursuit : on a le droit de choisir entre chercher à connaître la réalité telle qu'elle est vraiment ou se contenter de vivre dans ses fantaisies. Si l'on fait le premier choix, alors notre représentation mentale de la réalité doit être dictée par la démarche scientifique. Cette dernière n'est pas démocratique. Si l'on fait le deuxième choix, alors on peut croire ce que l'on veut, mais on n'a pas alors le droit de prétendre chercher la vérité. Si l'on veut réellement chercher la vérité, alors, oui, notre liberté de pensée est restreinte et encadrée par la démarche scientifique. Précisons que ces restrictions et cet encadrement ne s'appliquent qu'aux questions d'ordre logique et d'ordre métaphysique (ontologie et épistémologie) ; la démarche scientifique ne touche aucunement à l'éthique, à l'esthétique, ni au sens ou au but que l'on peut donner à sa vie. Chacun a donc le DROIT de croire ce qu'il veut, même s'il a tort. Mais chacun n'a pas RAISON de croire ce qu'il veut.

Du point de vue de ce qu'est la réalité et de comment elle fonctionne, il existe une vérité objective, c'est-à-dire indépendante des humains, qui est unique. Cette vérité n'est pas relative à chacun ! Toutes les idées ne se valent donc pas : certaines idées sont vraies alors que d'autres sont fausses, peu importe ce que les humains en pensent ou veulent en penser.

Le dogmatisme ne réside pas, en réalité, dans la certitude que nous avons que certaines idées sont, de façon absolue, meilleures que les autres (du point de vue de la quête de la vérité sur ce qu'est la réalité et sur comment elle fonctionne). Le dogmatisme réside plutôt dans la manière dont nous établissons cette certitude : cette certitude repose-t-elle sur le désir de croire, sur l'autorité idéologique ou sur le charisme de certains individus, sur le conformisme, sur l'un des nombreux obstacles au jugement éclairé… ou plutôt sur la démarche scientifique ou encore sur la notion de certitude pratique ?

Enfin ajoutons, pour conclure, que la démarche scientifique ne nous dit pas : « ne rêvez pas ». Elle nous dit plutôt : « rêvez tant que vous voulez, mais faites la distinction entre le rêve et la réalité ».

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COMMENT DISTINGUER LE VRAI DU FAUX ?

Nous pouvons maintenant répondre en toute connaissance de cause à la question centrale de ce site : « comment distinguer le vrai du faux ? » (On aurait pu reformuler cette question ainsi : « comment fait-on pour connaître ? ») Réponse : par la démarche scientifique, c'est-à-dire par la confrontation systématique des idées aux faits objectifs, ceux-ci étant utilisés comme juges de ce qui est vrai ou faux, que cette démarche soit appliquée telle quelle en sciences ou qu'elle soit adaptée et appliquée à la vie quotidienne !

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