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Introduction

1 : Philosophie

2 : Réalité

3 : Logique

4 : Psychologie

5 : Raisonnement

6 : Obstacles

7 : Postulats

8 : Sciences

Conclusion

 

 

PARTIE 5 : LE RAISONNEMENT OU L’ARGUMENTATION

 

Partie 4

PLAN DE LA PARTIE 5

 

Croyance ou connaissance ?

Toutes les informations contenues dans notre représentation mentale de la réalité sont des croyances… au sens « d’idées que l’on juge être vraies ou très probablement vraies », et non au sens de « croyances religieuses », « d’idées de peu de valeur » ou encore « d’opinions propres à chacun ». Dorénavant, nous n’utiliserons le mot « croyance » que dans le sens « d’idée que l’on juge être vraie ou très probablement vraie ». Cette définition n’est ni meilleure ni préférable aux autres. Elle est simplement un choix que je fais afin que nos idées soient claires et que nous puissions nous comprendre.

Une croyance est donc une idée que l’on juge être vraie ou très probablement vraie... indépendamment que cette idée soit effectivement vraie ou fausse. Le jugement que l'on émet quant à la valeur de vérité d'une idée est personnel ; il peut être éclairé ou erroné. La partie 5 de ce site a pour but d'expliquer comment procéder pour émettre des jugements éclairés sur la valeur de vérité des idées.

Une croyance peut ainsi être fausse. Par exemple, je peux croire que la position des planètes a un impact sur ma vie quotidienne. En revanche, une idée en laquelle on ne croit pas peut être vraie. Par exemple, il est absolument vrai qu’il est impossible de voyager plus vite que la lumière, même si je refuse d'y croire : ce n’est pas une simple conjecture, c’est une certitude.

Les croyances qui constituent notre représentation mentale de la réalité n'ont donc pas toutes la même valeur. Elles peuvent être vraies, fausses, partiellement vraies et partiellement fausses ou infalsifiables (une croyance est dite « infalsifiable » lorsqu’il est impossible de démontrer si elle est vraie ou fausse). Nous ne savons pas toujours quelle est leur valeur de vérité.

Nos croyances possèdent deux caractéristiques. Premièrement, elles peuvent être plus ou moins interconnectées, c’est-à-dire dépendre plus ou moins les unes des autres. Par exemple, je peux croire que nous sommes visités par des extraterrestres parce que je crois qu’il doit nécessairement y avoir de la vie ailleurs dans l’univers. Les liens entre nos croyances peuvent être plus ou moins valides ; dans l’exemple précédent, le lien est insuffisant. Deuxièmement, l’intensité de notre adhésion à nos différentes croyances est très variable. Nous appellerons « croyances centrales » celles dont nous sommes le plus certains, à raison ou à tort, et « croyances périphériques » celles dont nous sommes le moins certains, à raison ou à tort. La démarche scientifique a justement été inventée comme étant le meilleur moyen humainement possible pour juger de la valeur de vérité des croyances (au sens où nous avons défini ce mot).

Enfin, nous appellerons « connaissance » toute idée jugée « vraie avec certitude » ou « très probablement vraie » par la démarche scientifique, que cette démarche soit appliquée de façon adaptée et implicite par monsieur ou madame tout le monde dans sa vie quotidienne, ou que cette démarche soit appliquée telle quelle et explicitement par des chercheurs. Ainsi, certaines de nos croyances sont effectivement des connaissances. Je crois que la Terre tourne autour du Soleil. D’autres croyances sont fausses, comme l’astrologie. Enfin, nous pouvons ne pas croire en des idées qui sont effectivement des connaissances, comme l’impossibilité d’aller plus vite que la lumière.

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Les 2 critères du raisonnement

Raisonner - ou argumenter - signifie « partir d’une ou de plusieurs idées vraies pour en déduire, par la logique et les règles de l’argumentation, d’autres idées qui soient également vraies ». Ajoutons que les mots « argumentation » et « raisonnement » sont pris dans ce texte comme des synonymes. Pour être acceptable, une croyance doit être justifiée par un raisonnement valide. Sinon, cette croyance est arbitraire ou gratuite et n’a aucune valeur pour représenter la réalité, quoi qu’on en pense.

Pour qu’un raisonnement soit valide, il doit obéir aux deux principes de la logique ainsi qu’aux deux critères suivants.

1 : LE CRITÈRE D’ACCEPTABILITÉ DES PRÉMISSES

Pour qu’une argumentation soit valide, il faut que les idées de départ – les prémisses – soient elles-mêmes valides.

2 : LE CRITÈRE DE SUFFISANCE DES LIENS

Pour qu’une argumentation soit valide, il faut que les prémisses entraînent nécessairement la conclusion, celle-ci étant l’idée finale dont on veut établir la validité par l’argumentation.

EXEMPLES

Voici, à titre d’exemples, quatre raisonnements qui sont tous incorrects.

A : Les lions sont herbivores, donc ils ne mangent pas d’antilopes.

B : Les lions sont carnivores, donc les corbeaux sont noirs.

C : Les lions sont carnivores, donc les corbeaux sont roses.

D : Les lions sont carnivores, donc les lions mangent des antilopes.

Le raisonnement A viole le critère d’acceptabilité des prémisses. Son point de départ est faux : tout ce qui en découle logiquement est donc nécessairement  faux. Sa conclusion est  donc fausse. Cependant, ce raisonnement respecte le critère de suffisance des liens.

Les raisonnements B, C et D respectent tous le critère d’acceptabilité des prémisses… mais violent tous le critère de suffisance des liens. Ces trois raisonnements sont donc tous incorrects. Même si la conclusion du raisonnement B est vraie, celui-ci ne la valide pas. La conclusion du raisonnement D peut sembler, au premier coup d’œil, être effectivement une conséquence nécessaire de la prémisse, mais ce raisonnement contient deux erreurs cachées. Le fait que les lions soient carnivores n’entraîne pas automatiquement, d'une part, que TOUS les lions mangent des antilopes… ni, d’autre part, que les antilopes fassent nécessairement partie du régime alimentaire des lions !

Les 2 critères de vérité des sciences

Rappelons les 4 étapes de la démarche scientifique, formulées par Galilée : observer et quantifier des faits ; formuler des hypothèses pour expliquer ces faits ; tirer des prédictions à partir de ces hypothèses ; vérifier si ces prédictions sont réelles par des expériences. En simplifiant les choses, on peut dire que cette démarche a pour but de produire, à la fin du processus de recherche, deux argumentations qui, ensemble, jugent de la valeur de vérité des hypothèses. Ces deux argumentations sont ce que nous allons appeler les deux « critères de vérité des sciences ». Elles n’ont pas la même importance.

CRITÈRE DE VÉRITÉ PRINCIPAL

Le critère de vérité principal des sciences peut prendre deux formes possibles :

1 : L’argumentation de confirmation

« Telle hypothèse explique correctement une certaine diversité de faits objectifs déjà connus »  +  « cette hypothèse respecte les 2 principes de la logique »  +  « cette hypothèse peut être reliée, directement ou indirectement, à des nombres et à des équations mathématiques »  +   « il s’est avéré que les nouveaux faits objectifs, qui étaient encore inconnus, dont l’existence et le fonctionnement découlent logiquement ou nécessairement de l’hypothèse, existent et fonctionnent effectivement comme le prédit l’hypothèse »  =  « cette hypothèse est probablement vraie ».

2 : L’argumentation de réfutation

« Telle hypothèse explique correctement une certaine diversité de faits objectifs déjà connus »  +  « cette hypothèse respecte les 2 principes de la logique »  +  « cette hypothèse peut être reliée, directement ou indirectement, à des équations mathématiques »  +  « il s’est avéré que les nouveaux faits objectifs, qui étaient encore inconnus, dont l’existence et le fonctionnement découlent logiquement ou nécessairement de l’hypothèse, n’existent pas ou ne fonctionnent pas comme le prédit l’hypothèse »  =  « cette hypothèse est probablement fausse ».

Remarque : si une hypothèse ne remplit pas les trois premières exigences du critère de vérité principal, elle est automatiquement rejetée car considérée fausse. Ce critère de vérité exclut donc, a priori, les hypothèses superflues, les hypothèses non conformes à la logique et les hypothèses non quantifiables. La quatrième exigence du critère de vérité principal des sciences rejette a priori toute hypothèse infalsifiable, c’est-à-dire toute hypothèse dont il est impossible de déduire par la logique des prédictions vérifiables.

La caractère objectif des faits est central à ce critère : c’est ce qui garantit que les résultats de la recherche scientifique ne reflètent pas les préjugés, les opinions ou les désirs des chercheurs les plus influents, mais bien la réalité en soi. La réalité est objective, c’est-à-dire que son existence et sa nature sont indépendantes de nos sensations, de nos perceptions, de nos connaissances, de l’étendue de nos connaissances, de nos croyances, de nos désirs et hors de portée de notre volonté.

CRITÈRE DE VÉRITÉ SECONDAIRE

« Si une hypothèse probablement vraie entre en conflit avec des théories connexes déjà établies, sa valeur de vérité s’en trouve diminuée. Dans le cas contraire, sa valeur de vérité s’en trouve augmentée. »

LA SYNTHÈSE DU RATIONALISME ET DE L’EMPIRISME

Les deux critères de vérité des sciences constituent en quelque sorte une synthèse des deux grands courants idéologiques que sont le rationalisme et l’empirisme. Le rationalisme stipule que la vérité doit provenir de la raison ; l’empirisme stipule que la vérité ne peut provenir que des sens. Les sciences modernes affirment que la raison est nécessaire mais non suffisante pour chercher la vérité sur ce qu’est la réalité et sur comment elle fonctionne : la raison doit s’appuyer sur les faits tels que perçus par les sens ou par des instruments de mesure qui sont une extension des sens.

Seuls les deux critères de vérité des sciences sont légitimes pour juger de la valeur de vérité d’une idée, qu’ils soient appliqués tels quel en sciences ou qu’ils soient adaptés et appliqués à la vie quotidienne.

L’appel à l’autorité

Lorsque l’on compare une hypothèse donnée avec une autre hypothèse déjà établie, ou encore lorsque nous faisons appel, à l’intérieur d’une argumentation, à des hypothèses déjà établies, nous ne démontrons pas nous-mêmes la valeur de vérité de ces hypothèses. Ce travail a déjà été fait : le refaire reviendrait  à continuellement réinventer la roue ! Si nous ne croyions pas sur parole les scientifiques qui nous ont précédés, nous repartirions à zéro et nous referions les recherches qu’ils ont déjà eux-mêmes effectuées, plutôt que de poursuivre les recherches là où ils les avaient laissées. Il n’y aurait pas alors de progrès possible !

L’appel à l’autorité consiste à croire sur parole ce qu’une personne affirme parce que nous avons suffisamment de bonnes raisons de croire qu’elle dit vrai. Nous jugeons qu’il n’est pas nécessaire de vérifier par nous-mêmes ses allégations.

Il est souvent impossible de vérifier par soi-même tous les faits et toutes les théories qui servent de prémisses dans une argumentation visant à établir la véracité ou la fausseté d’une idée.

L’appel à l’autorité est une nécessité tant en sciences que dans la vie de tous les jours. La très vaste majorité des croyances qui constituent notre représentation mentale de la réalité ne sont validées que par des appels à l’autorité. Il est humainement impossible de faire autrement. Je mange des fruits et des légumes à tous les jours parce que je crois sur parole les médecins lorsqu’ils affirment que ceux-ci sont nécessaires à ma santé. Mais je n’ai jamais vérifié par moi-même cette « théorie ». De même, les sciences ne pourraient pas progresser, par l’accumulation historique de théories ayant une portée de plus en plus profonde ou étendue, si chaque recherche devait repartir de zéro. On ne pourrait pas étudier la réplication de la molécule d’A.D.N. si on ne croyait pas sur parole les chimistes qui nous ont précédés et qui ont établi les lois des réactions chimiques. Le système scolaire en entier repose sur l’appel à l’autorité : aucun professeur n’a vérifié par lui-même tout ce qu’il enseigne. Les étudiants doivent eux-mêmes croire leurs professeurs sur parole (mis à part les laboratoires).

Un appel à l’autorité peut être valable ou non. Si je crois sur parole Einstein lorsqu’il affirme qu’il est impossible à un objet d’aller plus vite que la lumière, cet appel à l’autorité est valable. Par ailleurs, si je crois sur parole un ami lorsqu’il affirme avoir entendu passer une soucoupe volante lors d’une randonnée en forêt, cet appel à l’autorité n’est pas valable. Comment faire pour savoir si un appel à l’autorité est valable ou non ?

LES 4 RÈGLES DE VALIDITÉ DE L’APPEL À L’AUTORITÉ

1 : La personne à qui on fait appel doit être une véritable autorité, c’est-à-dire un expert dont la compétence est reconnue à l’intérieur d’un domaine donné.

2 : La personne à qui on fait appel doit être une véritable autorité dans le domaine concerné par les allégations. Einstein est une autorité en physique ; il ne l’est pas en biologie ou en psychologie.

3 : La personne à qui on fait appel doit être d’accord avec ce qu’on lui fait dire : il ne faut pas la citer hors contexte ni lui faire dire des choses qu’elle n’a pas dites.

4 : Les sciences sont une œuvre collective. Le point de vue de la personne à qui on fait appel doit être conforme au consensus établi par la majorité des experts qui relèvent du domaine concerné par les allégations. Un physicien en particulier pourrait bien vous dire qu’il serait effectivement possible de voyager plus vite que la lumière. Mais il serait isolé : la majorité des physiciens sont d’accord avec le fait qu’il est impossible de voyager plus vite que la lumière. Faire un appel à l’autorité qui soit légitime revient, en réalité, à citer le consensus établi par la communauté des autorités sur la question, par l’entremise d’un membre de cette communauté. Dans le cas où aucun consensus n’a encore établi, il faut suspendre son jugement.

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