Croyance
ou connaissance ?
Toutes
les informations contenues dans notre représentation mentale de
la réalité sont des croyances… au sens « d’idées que l’on juge
être vraies ou très probablement vraies », et non au sens de
« croyances religieuses », « d’idées de peu de valeur »
ou encore « d’opinions propres à chacun ». Dorénavant,
nous n’utiliserons le mot « croyance » que dans le sens
« d’idée que l’on juge être vraie ou très probablement vraie ».
Cette définition n’est ni meilleure ni préférable aux autres. Elle
est simplement un choix que je fais afin que nos idées soient claires
et que nous puissions nous comprendre.
Une
croyance est donc une idée que l’on juge être vraie ou très
probablement vraie... indépendamment que cette idée
soit effectivement vraie ou fausse. Le jugement que l'on émet
quant à la valeur de vérité d'une idée
est personnel ; il peut être éclairé ou erroné.
La partie 5 de ce site a pour but d'expliquer comment procéder
pour émettre des jugements éclairés sur la
valeur de vérité des idées.
Une
croyance peut ainsi être fausse. Par exemple, je peux croire que
la position des planètes a un impact sur ma vie quotidienne. En
revanche, une idée en laquelle on ne croit pas peut être vraie.
Par exemple, il est absolument vrai qu’il est impossible de voyager
plus vite que la lumière, même si je refuse d'y croire : ce
n’est pas une simple conjecture, c’est une certitude.
Les
croyances qui constituent notre représentation mentale de la réalité
n'ont donc pas toutes la même valeur. Elles peuvent être vraies,
fausses, partiellement vraies et partiellement fausses ou infalsifiables
(une croyance est dite « infalsifiable » lorsqu’il est
impossible de démontrer si elle est vraie ou fausse). Nous ne savons
pas toujours quelle est leur valeur de vérité.
Nos
croyances possèdent deux caractéristiques. Premièrement, elles peuvent
être plus ou moins interconnectées, c’est-à-dire dépendre plus ou
moins les unes des autres. Par exemple, je peux croire que nous
sommes visités par des extraterrestres parce que je crois qu’il
doit nécessairement y avoir de la vie ailleurs dans l’univers. Les
liens entre nos croyances peuvent être plus ou moins valides ; dans
l’exemple précédent, le lien est insuffisant. Deuxièmement, l’intensité
de notre adhésion à nos différentes croyances est très variable.
Nous appellerons « croyances centrales » celles dont nous
sommes le plus certains, à raison ou à tort, et « croyances
périphériques » celles dont nous sommes le moins certains,
à raison ou à tort. La démarche scientifique a justement été inventée
comme étant le meilleur moyen humainement possible pour juger de
la valeur de vérité des croyances (au sens où nous avons défini
ce mot).
Enfin,
nous appellerons « connaissance » toute idée jugée « vraie
avec certitude » ou « très probablement vraie » par
la démarche scientifique, que cette démarche soit appliquée de façon
adaptée et implicite par monsieur ou madame tout le monde dans sa
vie quotidienne, ou que cette démarche soit appliquée telle quelle
et explicitement par des chercheurs. Ainsi, certaines de nos croyances
sont effectivement des connaissances. Je crois que la Terre tourne
autour du Soleil. D’autres croyances sont fausses, comme l’astrologie.
Enfin, nous pouvons ne pas croire en des idées qui sont effectivement
des connaissances, comme l’impossibilité d’aller plus vite que la
lumière.
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Les
2 critères du raisonnement
Raisonner
- ou argumenter - signifie « partir d’une ou de plusieurs idées
vraies pour en déduire, par la logique et les règles de l’argumentation,
d’autres idées qui soient également vraies ». Ajoutons que
les mots « argumentation » et « raisonnement »
sont pris dans ce texte comme des synonymes. Pour être acceptable,
une croyance doit être justifiée par un raisonnement valide. Sinon,
cette croyance est arbitraire ou gratuite et n’a aucune valeur pour
représenter la réalité, quoi qu’on en pense.
Pour
qu’un raisonnement soit valide, il doit obéir aux deux principes
de la logique
ainsi qu’aux deux critères suivants.
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1 :
LE CRITÈRE D’ACCEPTABILITÉ DES PRÉMISSES
Pour
qu’une argumentation soit valide, il faut que les idées de départ
– les prémisses – soient elles-mêmes valides.
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2 :
LE CRITÈRE DE SUFFISANCE DES LIENS
Pour
qu’une argumentation soit valide, il faut que les prémisses entraînent
nécessairement la conclusion, celle-ci étant l’idée finale dont
on veut établir la validité par l’argumentation.
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EXEMPLES
Voici,
à titre d’exemples, quatre raisonnements qui sont tous incorrects.
A :
Les lions sont herbivores, donc ils ne mangent pas d’antilopes.
B :
Les lions sont carnivores, donc les corbeaux sont noirs.
C :
Les lions sont carnivores, donc les corbeaux sont roses.
D :
Les lions sont carnivores, donc les lions mangent des antilopes.
Le
raisonnement A viole le critère d’acceptabilité des prémisses. Son
point de départ est faux : tout ce qui en découle logiquement
est donc nécessairement faux. Sa conclusion est donc fausse. Cependant,
ce raisonnement respecte le critère de suffisance des liens.
Les
raisonnements B, C et D respectent tous le critère d’acceptabilité
des prémisses… mais violent tous le critère de suffisance des liens.
Ces trois raisonnements sont donc tous incorrects. Même si la conclusion
du raisonnement B est vraie, celui-ci ne la valide pas. La conclusion
du raisonnement D peut sembler, au premier coup d’œil, être effectivement
une conséquence nécessaire de la prémisse, mais ce raisonnement
contient deux erreurs cachées. Le fait que les lions soient carnivores
n’entraîne pas automatiquement, d'une part, que TOUS les lions mangent
des antilopes… ni, d’autre part, que les antilopes fassent nécessairement
partie du régime alimentaire des lions !
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Les
2 critères de vérité des sciences
Rappelons
les 4 étapes de la démarche scientifique, formulées par Galilée :
observer et quantifier des faits ; formuler des hypothèses pour
expliquer ces faits ; tirer des prédictions à partir de ces hypothèses
; vérifier si ces prédictions sont réelles par des expériences.
En simplifiant les choses, on peut dire que cette démarche a pour
but de produire, à la fin du processus de recherche, deux argumentations
qui, ensemble, jugent de la valeur de vérité des hypothèses. Ces
deux argumentations sont ce que nous allons appeler les deux « critères
de vérité des sciences ». Elles n’ont pas la même importance.
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CRITÈRE
DE VÉRITÉ PRINCIPAL
Le
critère de vérité principal des sciences peut prendre deux formes
possibles :
1 :
L’argumentation de confirmation
« Telle
hypothèse explique correctement une certaine diversité de faits
objectifs déjà connus » + « cette hypothèse respecte
les 2 principes de la logique » + « cette hypothèse
peut être reliée, directement ou indirectement, à des nombres et
à des équations mathématiques » + « il s’est avéré
que les nouveaux faits objectifs, qui étaient encore inconnus, dont
l’existence et le fonctionnement découlent logiquement ou nécessairement
de l’hypothèse, existent et fonctionnent effectivement comme
le prédit l’hypothèse » = « cette hypothèse est probablement
vraie ».
2 :
L’argumentation de réfutation
« Telle
hypothèse explique correctement une certaine diversité de faits
objectifs déjà connus » + « cette hypothèse respecte
les 2 principes de la logique » + « cette hypothèse
peut être reliée, directement ou indirectement, à des équations
mathématiques » + « il s’est avéré que les nouveaux
faits objectifs, qui étaient encore inconnus, dont l’existence et
le fonctionnement découlent logiquement ou nécessairement de l’hypothèse,
n’existent pas ou ne fonctionnent pas comme le prédit l’hypothèse »
= « cette hypothèse est probablement fausse ».
Remarque :
si une hypothèse ne remplit pas les trois premières exigences du
critère de vérité principal, elle est automatiquement rejetée car
considérée fausse. Ce critère de vérité exclut donc, a priori, les
hypothèses superflues, les
hypothèses non conformes à la logique et les
hypothèses non quantifiables. La quatrième exigence du critère
de vérité principal des sciences rejette a priori toute hypothèse
infalsifiable, c’est-à-dire toute hypothèse dont il est impossible
de déduire par la logique des prédictions vérifiables.
La
caractère objectif des faits est central à ce critère : c’est
ce qui garantit que les résultats de la recherche scientifique ne
reflètent pas les préjugés, les opinions ou les désirs des chercheurs
les plus influents, mais bien la réalité en soi. La réalité est
objective, c’est-à-dire que son existence et sa nature sont indépendantes
de nos sensations, de nos perceptions, de nos connaissances, de
l’étendue de nos connaissances, de nos croyances, de nos désirs
et hors de portée de notre volonté.
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CRITÈRE
DE VÉRITÉ SECONDAIRE
« Si
une hypothèse probablement vraie entre en conflit avec des théories
connexes déjà établies, sa valeur de vérité s’en trouve diminuée.
Dans le cas contraire, sa valeur de vérité s’en trouve augmentée.
»
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LA
SYNTHÈSE DU RATIONALISME ET DE L’EMPIRISME
Les
deux critères de vérité des sciences constituent en quelque sorte
une synthèse des deux grands courants idéologiques que sont le rationalisme
et l’empirisme. Le rationalisme stipule que la vérité doit provenir
de la raison ; l’empirisme stipule que la vérité ne peut provenir
que des sens. Les sciences modernes affirment que la raison est
nécessaire mais non suffisante pour chercher la vérité sur ce qu’est
la réalité et sur comment elle fonctionne : la raison doit
s’appuyer sur les faits tels que perçus par les sens ou par
des instruments de mesure qui sont une extension des sens.
Seuls
les deux critères de vérité des sciences sont légitimes pour juger
de la valeur de vérité d’une idée, qu’ils soient appliqués tels
quel en sciences ou qu’ils soient adaptés et appliqués à la vie
quotidienne.
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L’appel
à l’autorité
Lorsque
l’on compare une hypothèse donnée avec une autre hypothèse déjà
établie, ou encore lorsque nous faisons appel, à l’intérieur d’une
argumentation, à des hypothèses déjà établies, nous ne démontrons
pas nous-mêmes la valeur de vérité de ces hypothèses. Ce travail
a déjà été fait : le refaire reviendrait à continuellement
réinventer la roue ! Si nous ne croyions pas sur parole les scientifiques
qui nous ont précédés, nous repartirions à zéro et nous referions
les recherches qu’ils ont déjà eux-mêmes effectuées, plutôt que
de poursuivre les recherches là où ils les avaient laissées. Il
n’y aurait pas alors de progrès possible !
L’appel
à l’autorité consiste à croire sur parole ce qu’une personne affirme
parce que nous avons suffisamment de bonnes raisons de croire qu’elle
dit vrai. Nous jugeons qu’il n’est pas nécessaire de vérifier par
nous-mêmes ses allégations.
Il
est souvent impossible de vérifier par soi-même tous les faits et
toutes les théories qui servent de prémisses dans une argumentation
visant à établir la véracité ou la fausseté d’une idée.
L’appel
à l’autorité est une nécessité tant en sciences que dans la vie
de tous les jours. La très vaste majorité des croyances qui constituent
notre représentation mentale de la réalité ne sont validées que
par des appels à l’autorité. Il est humainement impossible de faire
autrement. Je mange des fruits et des légumes à tous les jours parce
que je crois sur parole les médecins lorsqu’ils affirment que ceux-ci
sont nécessaires à ma santé. Mais je n’ai jamais vérifié par moi-même
cette « théorie ». De même, les sciences ne pourraient
pas progresser, par l’accumulation historique de théories ayant
une portée de plus en plus profonde ou étendue, si chaque recherche
devait repartir de zéro. On ne pourrait pas étudier la réplication
de la molécule d’A.D.N. si on ne croyait pas sur parole les chimistes
qui nous ont précédés et qui ont établi les lois des réactions chimiques.
Le système scolaire en entier repose sur l’appel à l’autorité :
aucun professeur n’a vérifié par lui-même tout ce qu’il enseigne.
Les étudiants doivent eux-mêmes croire leurs professeurs sur parole
(mis à part les laboratoires).
Un
appel à l’autorité peut être valable ou non. Si je crois sur parole
Einstein lorsqu’il affirme qu’il est impossible à un objet d’aller
plus vite que la lumière, cet appel à l’autorité est valable. Par
ailleurs, si je crois sur parole un ami lorsqu’il affirme avoir
entendu passer une soucoupe volante lors d’une randonnée en forêt,
cet appel à l’autorité n’est pas valable. Comment faire pour savoir
si un appel à l’autorité est valable ou non ?
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LES
4 RÈGLES DE VALIDITÉ DE L’APPEL À L’AUTORITÉ
1 :
La personne à qui on fait appel doit être une véritable autorité,
c’est-à-dire un expert dont la compétence est reconnue à l’intérieur
d’un domaine donné.
2 :
La personne à qui on fait appel doit être une véritable autorité
dans le domaine concerné par les allégations. Einstein est une autorité
en physique ; il ne l’est pas en biologie ou en psychologie.
3 :
La personne à qui on fait appel doit être d’accord avec ce qu’on
lui fait dire : il ne faut pas la citer hors contexte ni lui
faire dire des choses qu’elle n’a pas dites.
4 :
Les sciences sont une œuvre collective. Le point de vue de la personne
à qui on fait appel doit être conforme au consensus établi par la
majorité des experts qui relèvent du domaine concerné par les allégations.
Un physicien en particulier pourrait bien vous dire qu’il serait
effectivement possible de voyager plus vite que la lumière. Mais
il serait isolé : la majorité des physiciens sont d’accord
avec le fait qu’il est impossible de voyager plus vite que la lumière.
Faire un appel à l’autorité qui soit légitime revient, en réalité,
à citer le consensus établi par la communauté des autorités sur
la question, par l’entremise d’un membre de cette communauté. Dans
le cas où aucun consensus n’a encore établi, il faut suspendre son
jugement.
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Daniel Fortier 2002. Tous droits réservés.
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