La Lanterne de Diogène
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Extrait du poème de Michèle Lalonde Speak white Il est si beau de vous entendre nous sommes un peuple inculte et bègue
Speak white
mais quand vous really speak white
Référence. Michèle Lalonde, Speak White, Montréal, l'Hexagone,
1974. Le titre, qui revient seize fois sur 108 lignes comme un leitmotiv, a un grand impact. Il s'agit d'une formule stéréotypée utilisée assez couramment dans l'Ouest canadien, injonction raciste permettant d'agresser ceux qui, appartenant à un groupe minoritaire, se permettaient, dans un lieu public, de parler autre chose que l'anglais. Le poème fut, à cause de son titre, considéré comme séparatiste. Une autre lecture est cependant possible puisque, en Ontario, on l'étudie dans les classes de français en tant qu'hommage à la culture anglaise. L'auteure, en présentant son texte, au moment où il venait d'être composé, à la comédienne Michèle Rossignol, avait obtenu de celle-ci une diction nuancée, avec "des élans de tendresse envers la langue anglaise, qui est aussi ma langue". On devrait donc sentir plus d'amertume que d'ironie dans les allusions littéraires. Mais cette interprétation contraste avec presque toutes les utilisations et citations ultérieures, qui ont tiré le texte dans une interprétation partisane qui a, à son tour, été dénoncée. (Comme dit Camus, l'artiste doit choisir entre être utilisé ou dénoncé, mais compris, jamais.) Le vers "nous sommes un peuple inculte et bègue" fait allusion au mot de Durham dans son Rapport (1838): "les Québécois sont un peuple sans histoire et sans littérature". (Remise dans son contexte, cette phrase n'avait pas non plus les résonances qu'on lui a prêtées.) |