La Lanterne de Diogène

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L'Étranger

«Un roman n’est jamais qu’une philosophie mise en images. Et dans un bon roman, toute la philosophie est passée dans les images. […] Il s’agit aujourd’hui (avec La Nausée ) d’un roman où cet équilibre est rompu, où la théorie fait du tort à la vie.» Camus qui rendait compte de La Nausée, le 20 octobre 1938

La forme de l’œuvre

L’«action» principale se situe à Alger, dans le faubourg de Belcourt.

Quand? On ne sait pas. Avant la deuxième guerre mondiale, sûrement.

Combien de temps entre le début et la fin du récit? De juin à juin, (chaleur joue un rôle capital dans le roman) un an.

Première partie : 18 jours. On parle surtout des week-end, la semaine il ne se passe rien.

Deuxième partie : L’instruction du procès, 11 mois (p.110) jusqu’au début du procès.

Le temps du récit est linéaire, il n’y a aucun retour en arrière, dans la première partie surtout. (2e partie, chapitre 1 et 2 racontent des événements contemporains, prise de conscience?)

Est-ce un journal? Tenu au jour le jour, à l’instant du récit (p.9 : aujourd’hui et le futur de l’action à venir), ou après la condamnation, à rebours (p. 21, avait même l’impression... maintenant)

Chaque chapitre semble être le récapitulatif d’une journée (chapitre 2,3,5,6) ou d’une semaine (chap.4), comme la tenue d’un journal.

Pourtant, quelques incohérences voulues : chapit 4., p. 58«ce matin» comme s’il était au milieu de la journée et à la fin du chapitre il dit «le lendemain», p. 65, comme s’il avait pris du recul...

La deuxième partie est moins linéaire : les 4 premiers chapitres racontent l’instruction et le procès. Les 2 premiers sont un récapitulatif des faits pendant l’enquête, des interrogatoires et de la vie en prison. Meursault classe les faits par thème, ce qu’il veut raconter (chapitre 1) et ce qui lui déplaît de raconter (chapitre 2). À partir du chapitre 3, c’est le procès. Et le dernier chapitre 5, on a l’impression à nouveau d’un journal tenu au jour le jour, avec des présents p.167 (je n’ai rien à lui dire) et p. 176 (j’ai refusé de recevoir l’aumônier), sans se douter qu’il allait pénétrer dans sa cellule.

La culpabilité du début, comment s’explique-t-elle? p. 19, p. 11 et comment sait-il que les 4 balles sur l’arabe vont lui coûter la vie? Sens de l’anticipation? Dimension tragique ou récit rétrospectif?

Meursault?

Meursault est-il jeune ou vieux? p. 11 (mon cher enfant), p. 68 (vous êtes jeune), p. 121 (j’étais jeune), et p. 175 (mourir à 30 ans, lui?)

Que sait-on d’autre de Meursault? Son nom, mais pas son prénom. Son aspect physique? Rien. Employé de bureau, sans ambition, désœuvré, sans intérêt, sans plan de carrière, sans lendemain, qui vit dans le présent. On ne sait rien de sa vie passée, de sa relation avec sa mère, et le futur est incertain. Il vit dans l’instant. Il raconte les événements de façon détacher, sans rien lier, sans rien interpréter, sans rien supposer.

Sartre, à propos de L’Étranger ;«Entre le personnage dont il parle et le lecteur, il (Camus) va intercaler une cloison vitrée. Qu’y a-t-il de plus inepte en effet que des hommes derrière une vitre? Il semble qu’elle laisse tout passer, elle n’arrête qu’une chose, le sens de leurs gestes. Reste à choisir la vitre : ce sera la conscience de L’Étranger. C’est bien, en effet, une transparence : nous voyons tout ce qu’elle voit. Seulement on l’a construite de telle sorte qu’elle soit transparente aux choses et opaque aux significations.»

Son caractère : un homme p. 143. (un vrai), un peu enfantin, qui s’excuse tout le temps (voir Essai de Pierre-Louis Rey, p. 44) et un peu renfermé, p. 144, et «étrange» qui dort tout le temps, dans l’autobus le conduisant à l’asile, devant le cercueil, se réjouit en pensant dormir 12 heures d’affilées p. 31, et a de la peine à se lever, p. 33, il dort jusqu’à 10 heures, p.36, il dort l’après-midi p. 61, il bâille quand Salamano lui raconte son histoire p. 75 et dort de 16 à 18 par jour en prison p. 124.

Étranger aux conventions sociales : il semble toujours indifférent à l’égard du mariage, de l’amour, de la mort, de l’avancement social, des règles de la justice, de la bienséance à l’enterrement de sa mère, et de lui-même : pas de peine réelle, pas lui qui tire sur l’arabe, mais sa main, il ne se reconnaît pas dans le criminel qui a commis un meurtre, et étranger à Dieu en bout de ligne (l’aumônier et le juge d’instruction).

Meursault ne joue pas le jeu des faux-semblants, des conventions, des politesses, des mensonges quotidiens qui nous aident à se supporter en société.

Et même si on veut le réintégrer à la société des hommes dans le paradis, où il deviendrait un des nôtres, il refuse et se révolte. Il n’accepte pas le mensonge et les faux espoirs, ni les compromis. Il revendique son droit d’être un étranger jusqu’au bout, sans qu’on le comprenne. Aussi, souhaite-t-il des cris de haine à la fin.

À la fin du récit, Meursault prend conscience de sa différence, de son étrangeté et la revendique, c’est un victoire et il devient poète.

Voir ce qu’en dit Camus lui-même dans l’introduction à son œuvre en américain.

Coupable Meursault? Pour le procès Voir p. 41 de l’essai de Pierre-Louis Rye.

Jeu sur le nom de famille (le narrateur n'a pas de prénom, sauf dans une version antérieure de L'étranger) : Meurt sot; morsure, mort sûre, meurt saut, saut de la mort, sceau de la mort; mer soleil, mère soleil, etc. Les jeux sur la sonorité de Meursault sont innombrables.

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